"Esprits et fantômes, sur vos fiers destriers, escortez dans la nuit la belle fiancée..." |
(version vidéo)
Tellement cliché qu'il est impossible que cela aie existé me direz-vous. Et bien...Pas du tout. Au même titre que les oubliettes et cul-de -basse- fosse qu'on trouvait parfois au bout, Lucie de Pracontal est là pour en témoigner.
Son histoire vous est peut-être familière même si vous lisez ce nom pour la première fois. En effet, elle s'est propagée sous la forme d'une légende urbaine contemporaine (car les histoires intéressantes sont toujours rapprochées dans l'espace-temps pour mieux captiver l’auditoire) voire sous la forme d'une simple plaisanterie.
Mais l'histoire originelle n'a rien d'une plaisanterie même si comme bien des légendes macabres elle souffre d'imprécisions. Le nom de la malheureuse héroïne est parfois rapporté comme étant Héloïse, (et les italiens l'appellent "Ginevra") mais Lucie prédomine. Son nom s'écrirait aussi Précontal ou Pracomtal.
Armoiries des Pracomtal |
Le lieu ne fait presque jamais de doute, lui: le château de Montségur-sur-Lauzon dans la Drôme.
Le 25 juin 1715, on y célébrait les noces de la fille de la marquise (ou comtesse) veuve, Lucie, qui avait 16 ans, et du chevalier (ou vicomte) Henri de Quinsonas (ou Quinson).
A table, en voulant ouvrir une amande avec son couteau au moment du dessert, Lucie donna un coup de manche à son alliance qui se fissura, dit-on: mauvais présage! Aussi une demoiselle d'honneur, pour détendre l'atmosphère, suggéra de faire une partie de cache-cache. Ce jeu était alors aussi pratiqué par les adultes; c'était l’occasion de lutiner à l'abri des regards....
Pendant que les hommes comptaient, les dames s'éparpillèrent et Lucie eut l'idée de se diriger vers les sous-sols, qu'elle savait être labyrinthiques. Tout le monde fut rapidement retrouvé, sauf la mariée. On continue de chercher plusieurs minutes, puis plusieurs heures... toutes les pièces sont fouillées à commencer par les caves où on a aperçu Lucie pour la dernière fois. Mais le vent hurle continuellement là-bas, couvrant les appels des invités.
Au bout de trois jours, il ne fait pas de doute que Lucie a disparu. Comment? On commence par craindre une chute dans un puits profond alors situé dans le jardin où il y a déjà eu des morts. On y descend à l'aide d'une corde mais le trou est exploré en vain. La maréchaussée alertée commence par soupçonner un camp de gitans installé à proximité depuis quelques jours. Et s'ils avaient enlevé la mariée pour lui dérober ses bijoux?
Les gitans sont arrêtés et interrogés, leur camp fouillé, mais rien n'est retrouvé. Pressentant qu'ils sont innocents, la marquise de Pracontal demande à ce qu'on les relâche. En remerciement l'une des gitanes insiste pour lui lire les lignes de la main et annonce: "De ton vivant, tu reverras ta fille." Mais la voyante est incapable de dire quand et en quelles circonstances.
La marquise perd progressivement espoir: et si Lucie avait tout simplement fugué? C'est l'opinion la plus répandue à Montségur: on jase, disant volontiers qu'elle a dû profiter du jeu pour fuir avec un autre homme. Ne le supportant plus, le malheureux chevalier de Quinsonas s'engage pour la guerre-très certainement les guerres d'expansions qui avaient alors lieu en Nouvelle-France, contre les tribus iroquoises. Il y fut tué et ce drame devait être celui de trop pour la marquise. Elle revendit les lieux à la famille de Moy et se retira au couvent. Auparavant, elle fit poser une croix portant le nom de sa fille sur un mur où d'autres croix semblables se trouvaient déjà car d'autres disparitions inexplicables avaient déjà eu lieu par le passé...
En 1747, le château n'est plus utilisé qu'en partie par le comte de Moy, et il donne une fête dans l'aile qu'il occupait. Trois jeunes nobles, Paul de Causans, Louis de Crussol et le vicomte Maurice de Rabasteins, jouent aux cartes avec lui. Mistigri, le chat de la maison, tourne autour de Maurice pour quémander des reliefs du repas que celui-ci donne bien volontiers. Quand le comte gronde la bête, Maurice assure que ce n'est pas grave; après tout, il aime les animaux.
Il aime aussi les vieilles pierres et les mystères, quel est donc l'avis du comte au sujet de Lucie? Il n'en a pas: il n'a déploré aucune disparition ces trente dernières années. Cependant, il autorise ses hôtes à faire une visite guidée le lendemain. Ce jour-là, le gardien du château mène les invités dans les caves, où ils l'écoutent expliquer que cette demeure fut un temps celle du baron des Adrets, redoutable seigneur protestant qui lutta contre le pouvoir catholique en place. La pensée de Maurice et ses amis revient vite à Lucie: et si eux aussi jouaient à cache-cache?
Ce faisant, Maurice resté seul doit régler la mèche de sa lanterne et s'assied contre un mur; ce dernier coulisse. Visiblement le mécanisme s'enclenche si on s'appuie contre l'une des pierres. Quand Maurice entre dans la pièce ronde qui vient de se révéler, le mur se referme: un système mécanique s'enclenche sitôt que le poids d'une personne se fait sentir. Mais, aucun système de réouverture n'est visible, il semble avoir été retiré. Tâter la même pierre -ou toute autre- n'a d'autre effet que d'ouvrir une trappe au sol. Maurice descend par l'escalier qui vient d’apparaître. Il se trouve dans une cave faiblement éclairée par un haut et étroit soupirail. Des tables et chaises, quelques ustensiles, des livres meublent les lieux. Les bouquins se révèlent être de vieilles bibles huguenotes, sans doute apportées du temps du baron des Adrets.
Maurice remarque soudain une forme assise dans l'un des fauteuils, et immobile, comme si elle dormait. Mais une fois la silhouette éclairée, la vision de celle-ci fait s’évanouir de terreur le pauvre vicomte.
Une fois revenu à lui, il constate que c'est une sorte de momie déshydratée qui est assise devant lui, vêtue d'une superbe robe avec un collier de perles au cou.
Le style de la robe ne manque pas d'évoquer à Rabasteins celui des vêtements de sa propre mère voici trois décennies...Commençant déjà à se douter de l'identité de la morte, Maurice remarque une bible ouverte sur les genoux de cette dernière. Sans doute au moyen de ses ongles, ou de son épingle à cheveux, elle a gravé ces lignes dans les pages: " Malheureux! Vous qui entrez dans cet abîme, abandonnez tout espoir, recommandez votre âme à Dieu, demandez -Lui le pardon de vos fautes; car vous ne sortirez pas plus de ce sombre séjour que moi, Lucie de Pracontal, en ce jour de juin 1715."
Le mystère est résolu... Mais à quel prix! Le pauvre vicomte de Rabasteins se demande à juste titre si la sombre prédiction que lui a faite Lucie ne s'appliquera pas à lui aussi. D'autant, dit-on, qu'il est possible que la jeune fille ne soit pas décédée d'inanition mais aie abrégé ses souffrances en se poignardant ainsi qu'un couteau taché de sang et découvert par Maurice semble en attester. Mais il n'est pas étonnant que ce détail soit rare dans les rapports de cette histoire: un suicide est à l'époque scandaleux.
Maurice appelle au secours mais le vent couvre ses cris comme il l'a certainement fait pour Lucie. Comme elle, sans doute, Maurice constate que rien ne fait bouger la lourde muraille coulissante, que les barreaux du soupirail sont trop rapprochés et trop solides, que nulle autre porte ou sortie en tout genre n'existe... Paniqué, le vicomte sursaute quand un miaulement se fait soudain entendre!
Mistigri a retrouvé la trace du jeune homme qui aime les animaux et guette au soupirail en ronronnant. Maurice l'attrape (il passe facilement au travers) et a l'idée de lui passer sa cravate au cou. L'animal ressort et se présente devant les amis de Maurice qui le cherchent partout. Évidemment, la cravate les intrigue et ils suivent le chat dans les caves, qui les mène au soupirail. Pour en faire sortir au plus vite Rabasteins, qui a passé là près de vingt-quatre heures, le comte de Moy fait briser le mur autour du soupirail. (On dit que les cheveux de Rabasteins avaient blanchi à cause du stress!) Puis il fait extraire le cadavre de Lucie et envoie chercher la marquise de Pracontal en son couvent de Valence, qui conformément à la prédiction revit en effet sa fille.
Pour éviter une nouvelle tragédie, le comte fit abattre la fameuse muraille dont le mécanisme se révéla d'une complication remarquable. A
quoi tout cela servait-il ? On pensa au baron des Adrets, qui avait sans doute dissimulé là pour les protéger ses coreligionnaires au moment des guerres de religion. A moins que l'ensemble ne remonte au Moyen-âge, et que l'antre ainsi protégé aie appartenu à un alchimiste. Ou bien les deux hypothèses sont exactes, le baron ayant simplement réutilisé la cachette de l'alchimiste.
Quoi qu'il en soit, on ne peut plus vérifier ce qu'il en est aujourd'hui: seulement un peu plus de quarante ans après, le château fut détruit pendant les troubles de la Révolution.
Même si on montre toujours un trou dans le sol comme étant l'entrée de l'oubliette fatale.
Moralité: il faut toujours être gentil avec les chats, ils vous sauveront la vie un jour! Une preuve de plus du "pouvoir" de ces animaux!
Et c'est là sans doute qu'une légende urbaine semblable vous est peut être déjà revenue à l'esprit. De nos jours cette fois, et dans le pays d'origine de celui qui raconte, une fête de mariage a lieu dans la maison du couple, qui organise une partie de cache-cache, et la mariée disparaît. Dix ans plus tard, le mari n'a pas déménagé. Il décide de se rendre au grenier où il ne va presque jamais, soit qu'il veuille finalement déménager, soit qu'il aie besoin d'un objet qui sert peu ("Mais où diable est passé ce service à fondue/ cette tente de camping?"). Il ouvre une malle fermée à clé, qui a la particularité de se verrouiller toute seule si on laisse tomber le couvercle. En le soulevant, le veuf trouve un squelette vêtu d'une robe de mariée.
C'est faux certes mais comme avec bien des légendes urbaines: pas de fumée sans feu!
Ça ne vous dit rien? Alors probablement que vous êtes plus familiers avec cette blague qui a fait le tour des écoles primaires: "Qu'est-ce qu'un squelette dans un placard? (ou derrière un placard) Celui qui a gagné à cache-cache."
Cette histoire, avec la variante "coffre", est citée dans La corde (1948) d'Alfred Hitchcock et Thomas Haynes Bayley en fit un poème "The Ballad of the Mistletoe Bride".
Et voilà comment Lucie de Pracontal est parvenue à la postérité. Pour ceux qui y croient, cette malheureuse emmurée vivante aurait eu de quoi faire une belle dame blanche...
En fait, encore debout, le château aurait pu tel Phantom Manor à Disneyland être le théâtre d'apparition de mariées fantomatiques! (Vous le sentez, ce frisson dans le dos?) D'ailleurs une autre Lucie, celle du château de Veauce, emmurée par une châtelaine jalouse, devint fantôme...
L’emmurement demande un autre sujet à lui tout seul; ce fut un châtiment, ou un sacrifice (humain ou animal) servant à sécuriser une construction.
Mais Lucie reste un rare exemple involontaire. Je trouve cette légende particulièrement fascinante: une belle jeune fille vêtue en mariée pour héroïne, un veuvage le jour même d'un mariage, un mystère inexplicable, une prédiction incompréhensible, un château moyenâgeux gothique à souhait, un passage secret, une fin heureuse pour le second héros, le beau rôle pour un chat, le tout dans les superbes habits du siècle des Lumières...Une parfaite histoire à conter au coin du feu.
Sources:
Contes et légendes de la Drôme de Jean-Pierre Ginet
Histoires étranges qui sont arrivées de G. Lenotre
bindset.com chateaux-hantes
http://www.snopes.com/weddings/horrors/hideseek.asp
Merci pour cette légende, nous venons de visiter les ruines du Chateau de Montségur, pas vu Lucie...
RépondreSupprimerLe château de Veauce, dans l'Allier ?
C'est pas la même Lucie
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