Les nouveaux héros : critique

Les nouveaux héros ou Big Hero 6 (titre VO plus parlant) est la première adaptation d'un comics Marvel par Disney depuis que ces studios ont racheté la maison d'édition en 2009. Contrairement à ce que beaucoup ont prophétisé alors, les publications ne sont pas devenues mièvres (pourquoi le seraient-elles devenues d'abord? Vous trouvez la mort de la mère de Bambi mièvre? ). Disney n'a en réalité jamais interféré avec le travail des auteurs, juste adapté certains travaux.

Donc non, Wolverine n'a pas changé. Et en fait, certains aimeraient que Disney et ses créatifs fourrent effectivement leur nez dans les scénarios de comics, ça en empêcherait beaucoup de ressembler à des fanfictions.

En live pour des célébrités comme les Avengers, bien sûr. Mais pour cette première en animation, on aurait pu imaginer des célébrités justement (les dits Avengers, Spider-man). Et bien, pas du tout!  Les réalisateurs auraient voulu éviter tout lien avec le reste de l'univers cinématographique Marvel, et le seul moyen consistait à adapter un comics méconnu, ne risquant pas (ou moins) qu'on leur tape sur les doigts si ce n'était pas respecté à la case près. Et ça ne l'est pas.

Les Big hero 6 originels étaient Hiro Takachiho, un génie (lunetté) de 14 ans orphelin de père, lequel avait créé le robot garde du corps Baymax (très badass),

 

Droite: la première apparition, Gauche: les suivantes. Il n'avait effectivement pas un côté rassurant.

 l'agent secret Aiko Miyazaki alias Honey Lemon,

 l'ex-délinquante  Leiko Tanaka alias Gogo Tomago,

 et les mutants Silver Samourai et Sunfire. Ces deux derniers seront remplacés par le chef Wasabi No-Ginger

et le sérieux Fred alias Fredzilla qui peut se transformer en kaiju (monstre géant japonais).

Comme Godzilla ou Gamera donc.

Les personnages du film sont bien différents? Oh que oui. D'abord, pour des raisons de droits, impossible d'utiliser Silver Samourai et Sunfire (tous les X-men appartiennent encore  à la Fox) .

Ensuite, le lieu d'origine qui était Tokyo fusionna avec San Francisco pour devenir San Fransokyo dans le film.

Dans le but évident que le spectateur américain ne se sente pas trop dépaysé. Pour les mêmes raisons, Hiro, rebaptisé Hiro Hamada, est ici américano-japonais, et presque tous les personnages verront leur nationalité changée.

 Ses parents sont ici morts tous les deux (depuis ses trois ans), Hiro est élevé par sa tante Cassie pour mettre une distanciation émotionnelle.

Tadashi, le grand frère d'Hiro, a été inventé pour le film et a plus ou moins le rôle de son père; ici c'est lui qui crée Baymax.

Ce dernier a l'allure d'un marshmallow rassurant et a été pensé comme un infirmer,  capable de "scanner" l'état vital de toute personne et d'apporter une solution pratique. Il ne se désactive que si la personne dont il s'occupe répond "Je suis satisfait de mes soins".

Hiro est un génie (mais sans lunettes) de la robotique de 14 ans qui a son bac depuis un an. Mais il gâche ledit talent dans des combats de robots illégaux. D'après lui, faire des études est inutile puisque ça consisterait à écouter ressasser ce qu'il sait déjà.

Toutefois Hiro change d'avis quand Tadashi lui montre non seulement Baymax mais aussi les camarades de son atelier de travail pratique. (pas de blabla donc)



Wasabi est ici un maniaque de l'ordre et de la propreté spécialiste des rayons lasers coupants; et est afro-américain.

Gogo Tomago, à présent coréenne, a créé des roues de vélo qui tiennent par suspension magnétique.

Honey Lemon, étrangement une hispanique blonde, est une chimiste capable de créer des bombes colorées libérant des monceaux de colle qui immobiliseraient n'importe qui.

 Enfin Fred, mascotte américaine et caucasienne de l'établissement se balade généralement vêtu d'un costume de kaiju et est à l'origine de surnoms de chacun (qui ne sont pas ici leurs noms héroïques, du coup on ne connaitra jamais les vrais). C'est aussi un geek, fan de comics de compétition, et un petit rigolo qui n'a pas le tempérament de sa version BD.

Hiro souhaite plus que jamais entrer à l'université après avoir appris que le professeur Callaghan, son idole, enseigne la robotique dans l'établissement.

Il invente donc le projet devant lui servir de travail d'entrée: des milliers de nanorobots reliés à un ruban cérébral, permettant à l'utilisateur de contrôler l'ensemble des robots et leur assemblage par la pensée.

 Une chose si révolutionnaire attire l'attention de l'industriel Alistair Krei mais Hiro devenu sage refuse des propositions mirobolantes, et acquiert son entrée à l'université.

Hélas, le même soir, un incendie détruit l'université avec le professeur Callaghan toujours bloqué à l'intérieur. Tadashi, dont la réputation de Saint-Bernard n'est plus à faire depuis qu'il a mis Baymax au point, (et empêché son frère de devenir un délinquant) s'en va le chercher mais payera son héroïsme de sa vie quand le bâtiment explose, les tuant tous les deux.

Hiro ne sort de son hébétude consécutive que lorsqu'il retrouve Baymax dans les affaires de son frère. Il découvre aussi ce jour-là que ses nanorobots n'ont pas été détruits par l'incendie mais volés par un homme au masque de kabuki, surnommé "Yokai" .

Présumant qu'il a allumé l'incendie pour prendre les robots, Hiro décide de le retrouver pour venger son frère.  Mais pas seul: Baymax ainsi que les camarades de Tadashi participent à sa croisade, principalement  pour ne pas le laisser ruminer sa rancœur dans la solitude.

Hiro décide de rendre tout le monde en version 2.0. C'est à dire qu'il installe à Baymax une puce supplémentaire de caractère contenant des mouvements de karaté et une armure qui "nuit à son côté rassurant" d'après le robot. Les cinq jeunes gens héritent d'armures et d'équipements en rapport avec leur talents respectifs (celui d'Hiro se bornant à voler sur le dos de Baymax). Fred a celui, utile, d'être en réalité très riche ce qui paye lesdits équipements. Et bien sûr le fait même d'avoir l'idée de s'inspirer des super-héros, étant un passionné de comics.

En revanche il ne sait plus se transformer en monstre (pas assez scientifique, selon les dialogues) et doit porter un costume, qui lui permet néanmoins de cracher du feu. Honey Lemon peut jeter des bombes à colle qui se fabriquent au fur et à mesure dans son sac (un mini-labo), Gogo roule sur ses fameux disques qu'elle peut aussi lancer et Wasabi est équipé de deux lames lasers.
Tout ce petit monde décide de traquer Yokai, dont ils pensent connaître l'identité. Fred, vue sa science des super vilains, déduit que Yokai doit être la même personne qui souhaitait avoir les nanorobots, autrement dit Alistair Krei.

Toutefois, le masque tombé révèle qu'il s'agit de Callaghan, qui a survécu à l'incendie en usant des robots. Mais Tadashi, lui, est mort pour rien. La révélation pousse Hiro à retirer sa "puce de soins" à Baymax qui se transforme, sous la seule influence de celle de combat, en machine à tuer pendant trois horribles minutes jusqu'à ce que Honey remette sa puce initiale.

Callaghan s'évade, et Hiro furieux ne retrouve son calme que lorsque Baymax rappelle qu'être transformé en machine létale n'est sans doute pas ce que Tadashi aurait voulu.

 Ironiquement, Callaghan a une motivation semblable de proche à venger: quelques temps plus tôt, sa fille Abigail a été la pilote de test d'un portail de téléportation fabriqué par Krei.

Un incident a fait exploser le portail et Abigail est portée disparue. D'où l'idée de Callaghan d'user d'un portail reconstitué pour se débarrasser de Krei, et tout en ayant les nanorobots comme armes.  Alors: Hiro, vaux tu mieux que le super-vilain? Car le tuer te rendrait comme lui! Abigail Callaghan qui n'est pas tout à fait perdue et la question, par contre, de "perdre" Baymax qui est venu combler le vide laissé par Tadashi  constitueront les ultimes péripéties d'un final spectaculaire.


Alors très différent du matériau d'origine? Sans le moindre doute. Est-ce un mal? Pas forcément. Surtout quand on voit Honey et Gogo à l'origine: la première avait le ventre à l'air et un décolleté vertigineux, la seconde un corset métallique et un string métallique aussi parce que...et bien pour rien. (et très franchement essayez de combattre dans cette tenue sans hurler de douleur)

Aussi, essayez d'arriver à prendre cette position, à moins d'être faite de caoutchouc.

Si ce n'est que toutes les femmes de comics super-héroïques sont sujettes aux costumes ridicules et poses improbables destinés à séduire le lecteur adulte et masculin (et l'auteur aussi sans doute; on appelle cela la séductrice à la troisième personne).

Capish?

Pas de ça ici, heureusement. Ce "super-héroïsme expliqué  à votre petite sœur" est une bouffée d'air frais depuis que les enfants et notamment les petites filles se sont vus déposséder des histoires de super-héros dans les années 1970, disons que depuis les fillettes sont en manque cruel de modèles en la matière.

Mieux encore, ces deux héroïnes sont la preuve que les filles peuvent s'intéresser à l'ingénierie et la robotique, tout en n'étant pas forcément pas un love interest dans l'histoire (malgré le fait que Honey version comics aie compté au nombre des conquêtes d'Hiro).

Et c'est même permis de porter des lunettes sans être une looseuse.

Ce qui compte ici, c'est la fraternité et l'amitié.

 (n'oublions pas non plus qu'on aura  à un moment affaire à "une " pilote expérimentale!) Les versions préliminaires du scénario prévoyaient des backgrounds plus développés comme le fait que Wasabi aurait eu  une camionnette à sushis, que Honey était serveuse au café de la tante Cassie, et Gogo livreuse à vélo pour celle-ci...Et finalement ils sont  justes des "nerds qui veulent être des super-héros" selon leurs propres termes.

Autre concept non retenu, Hiro qui "équipe" aussi son chat. Je vous défie, si vous en avez un, de ne pas faire comme Baymax et d'être tenté d'appeler aussi votre chat "bébé poilu"!

Non que ce soit une mauvaise chose d'ailleurs. Concernant leurs personnalités, les Big hero 6 selon Disney rappellent fortement une des incarnations les plus aimées des Teen Titans de DC comics (ironiquement), celle animée des années 2000.

Robin/Hiro sont ceux qui n'ont pas de talent surhumain apparent et dirigent ce petit monde,

 

Starfire/Honey sont les filles adorables avec tout un chacun,

Raven/Gogo ont au contraire une personnalité sombre,

Changelin/Fred sont les comic reliefs de service (ayant tous deux à voir avec la métamorphose animale d'un certain point de vue)

et Cyborg/ Wasabi sont les afros-américains costauds du groupe (même si Wasabi, à force d'être prudent et soigneux en deviendrait presque trouillard pour sa part).

De plus, les Teen Titans s'étaient eux aussi aventurés à Tokyo dans leur long métrage dédié.

Ciel, Deviantart est d'accord!

Heathcliff, le majordome de Fred semble pour sa part l'Alfred de Batman transposé chez Marvel.

Cela plaira-t-il aux amateurs de super-héroïsme? Oui, sans nul doute, mais l'héroïsme appliqué aux enfants, donc loin des clichés de l'atmosphère sombre et gore des comics actuels et sans héroïnes rince-l'oeuil donc. En fait, tout ce petit monde, dépourvu de pouvoirs de naissance (puisque ce n'est notamment plus le cas pour Fred) se contente de la variante "vigilante avec un équipement de fou" comme Batman ou Iron Man, et étonnamment ça marche: alors qu'ils étaient juste venus stopper Callaghan, leur sauvetage de la ville à la fin du récit lancera leur carrière. Le cynisme des adultes (un policier ne croira absolument pas Hiro lorsqu'il décrit sa première rencontre avec Yokai) et la soif de vengeance vaincus par l'optimisme et l'espoir placés dans le genre super héroïque, superbe.

Sachez toutefois que pour les amateurs du Marvel cinematic universe, que celui-ci n'y est pas lié, pas d'interactions à attendre donc. En fait, l'univers développé pour cette version est si unique que l'univers Marvel le considère désormais comme une réalité à lui seul, la "Terre n° 14123". Ne manque même pas, malgré tout, le cameo de Stan Lee qui se révèle ici être un super héros retraité!

Comme Les gardiens de la galaxie l'an passé, ces six héros attireront sûrement l'attention sur le méconnu matériau d'origine...qui est fort différent.

(à titre d'exemple, la différence vestimentaire chez Gamora, là encore!)


Sera-t-il révisé en conséquence? (Les marchandises estampillées Baymax vont sûrement s’envoler comme celles de Groot, à commencer par sa version bébé!)

Hiro (version film) lui-même ne manquera de rappeler un certain Peter Parker, étant un orphelin élevé par sa tante, un ado nerd  fort en sciences et ayant perdu sa figure paternelle tragiquement au début de l'histoire. Il progressera similairement pour découvrir que ses grands pouvoirs impliquent de grandes responsabilités; d’abord assez perdu pour transformer l'invention de son frère en machine de guerre (qu'il rend implacable et l'envoyant tuer, pas moins, Callaghan!). Ajoutez-y les paris illégaux du  début du film et disons que l'ère du protagoniste  à la morale irréprochable  a fait son temps et c'est ce qui les rend plus humains.

Oui, lui aussi avait démarré dans les paris.

 Faillible, à l’instar d'un Iron Man avec qui il partage le génie robotique et l'équipement qui en fait un super-héros. Hiro ne deviendra le "héros" de son nom que lorsque, comme son frère, il risquera sa peau pour sauver une personne avec laquelle il n'a pourtant pas de liens (Abigail, dans son cas).

Mais c'est aussi un film Disney, et il est probable vu les productions de ces dernières années que le scénario vous semble familier. Une fratrie de deux, l'aîné(e) qui a fabriqué un personnage rassurant et câlin à l'aspect de guimauve qui symbolise le lien,

 un  méchant "surprise" (d'autant que Sa Sucrerie des Mondes de Ralph, le duc dans La reine des neiges et Alistair Krei sont tous doublés en VO par Alan Tudyk!) une mort puis un deuil brutal au début du film,

une gravité rarement vue dans les films pour enfants, ladite relation fraternelle qui se révèle la plus importante de tout le film...On a déjà vu cela dans la Reine des Neiges, (film de sœurs) mais la ressemblance avec ce film de frères s'arrête là. (surtout avec Tadashi qui meurt prématurément!)

Big Hero 6 fait surtout partie des Disney pour geeks. Généralement, ce sont des perles méconnues, sans chansons mais avec des thèmes particuliers à l'origine faits pour les jeunes garçons. Et qui en fait, attirèrent une clientèle nerd mixte et  plus âgée. Il y eut le sombre Chaudron magique adapté d'un roman d'heroïc fantasy et contenant des dragons, des zombies et du vrai sang (schocking!) ,

Atlantide l'empire perdu à l'esthétique steampunk désignée par l'auteur d'Hellboy, Mike Mignola, et déjà avec un héros nerd;

et La Planète au trésor, transposition SF et dans l'espace d'un classique de la littérature en version steampunk aussi d’ailleurs.

Et en 2012, Les mondes de Ralph, se déroulant intégralement dans l'univers des jeux vidéos.

Ici, nous avons la robotique, les combats de robots,

 la téléportation expérimentale, et les super-héros (et vilain): nerdgasm droit devant. Sans parler de l'esthétique unique mêlant orient et occident. Le rapport avec le Japon se justifie d'ailleurs en ce que ce pays est avancé en robotique, et qu'effectivement il existe déjà des "infirmiers" destinés à assister les handicapés.

Et toujours à l'aspect rassurant.

Que ce soit Baymax, les nanorobots dirigés par la pensée

 les portails  de téléportation, ou les équipements des héros, on ne s'empêcher d’espérer que ces technologies existent bien vite (déjà qu'on attendait les hoverboards pour cette année...).



Le film sera très probablement desservi par sa sortie tardive dans nos verts pâturages. (trois mois après les États-Unis) Pourquoi au fait? Par crainte de la concurrence frontale avec Les pingouins de Madagascar? Heu, un peu de sérieux, voulez-vous? Pour ne pas être dans le chemin d'Astérix et le domaine des dieux? Plus probablement. Mais ne le ratez pas en 3D: il y  gagne vraiment.