dimanche 11 janvier 2015

Littérature: Un chant de noël




 Un classique de Charles Dickens que vous connaissez forcément même sans l'avoir jamais lu!



Rappel des faits:  Londres, époque victorienne. Ebnezer Scrooge est un vieux prêteur sur gages avare et au cœur sec, qui n 'a jamais pris le temps de fonder une famille en raison d'une vie passée à accumuler des biens matériels. Il déteste noël, qu’il qualifie de "Humbug! " en vo, cela est souvent traduit en français par "Balivernes!" ou "Fadaises!" ou tout autre qualificatif démodé et charmant. Ça ne le ravit pas quand son neveu Fred que la fête rend enthousiaste vient le voir et refuse de se rendre à son invitation à dîner. Deux gentlemens venus quêter pour les pauvres se font mettre à la porte, non sans qu’ils aient fait remarquer que les plus pauvres préféreraient mourir plutôt que de finir en prison ou à l'hospice; à quoi Scrooge répond par ces mots terribles: «Qu’ils meurent donc, cela réduira d'autant le surcroît de population ! » Son employé sous payé et souffre-douleur Bob Crachitt se voit accorder le jour férié, mais doit venir d’autant plus tôt le surlendemain.



En cela Ebnezer ressemble en tout point à son associé Jacob Marley, grugeur de veuves et  escroqueur des pauvres. Sauf que Marley est mort, voici sept ans. Aussi Scrooge trouve-t-il cela légitimement bizarre quand arrivé chez lui son heurtoir de porte semble avoir soudain le visage de Marley. Scrooge oublie vite cette vision qui ne semble n'avoir duré qu' un instant. Mais, après son dîner en solitaire, Scrooge entend des chaînes que l'on traîne et voit apparaître Marley réduit à l'état de fantôme. Il a lui-même forgé, par sa conduite, ses chaînes terminées par des coffres d'argent et des bourses, symbolisant son avarice.



Marley erre depuis son décès, et la même vie de damné, avec des chaînes plus longues encore, attend Scrooge. Mais Marley,qui était sans doute ce que Scrooge avait de plus proche d'un ami, est venu l'en prévenir avant qu'il ne connaisse pareil sort, et lui annonce avant de disparaître à jamais que trois esprits vont venir le visiter. A minuit, Scrooge constate que Marley n'avait rien d'un cauchemar, en voyant un jeune garçon lumineux s'annoncer comme l'esprit des noëls passés .



 Il entraîne Scrooge à l'extérieur et le fait voler jusqu'à son école d'enfance. Scrooge en tant qu'ombre du futur ne peut interagir avec personne, et revoit se dérouler à nouveau les événements de sa vie sans pouvoir intervenir.   
          
Dans la pension, Scrooge restait toujours seul, en raison d’un père sévère qui ne le laissait pas rentrer. (Comme tous les orphelins et sans famille, on peut s’expliquer qu’il n’aime pas Noël, qu’il a presque toujours passé seul.) Sauf une année où sa sœur Fanny (aujourd’hui décédée et mère de Fred) est parvenue à convaincre leur père de passer Noël ensemble. Puis l’esprit montre à Scrooge l’entrepôt de son premier patron, le gentil Fezziwik, et l’un des réveillons qu’il donnait pour ses employés. Scrooge y avait rencontré Isabelle, dite Belle.


Après plusieurs années de fiançailles, un autre Noël montre Belle rompre avec Scrooge qui lui préfère l’argent de façon certaine désormais. Et fait rarement montré dans les adaptations, l’esprit  des Noëls passés apprend en prime à Scrooge que Belle est une grand-mère heureuse et mariée à présent.



Scrooge retourne se coucher malheureux et mélancolique, quand l’esprit du Noël  présent  vient le tirer du lit. Il s’agit d’un géant roux, barbu, coiffé de houx et vêtu de vert.


Il attend au salon entouré d’un banquet venu de la générosité des hommes, et par les plafonds des maisons lui montre des gens qui pensent encore à Scrooge : Fred, qui même s’il fait des charades à ses dépens avec ses invités, trinque à sa santé tout comme Bob Crachitt bien qu’il ne puisse qu’habiter  un taudis et acheter une oie de dimensions modestes avec son salaire de misère. Scrooge apprend ce soir-là l’existence du plus jeune fils des Crachitt, Tiny Tim (petit Tim) un enfant remarquable par son intelligence mais malade (il se déplace avec une béquille).


L’esprit du présent peut en cette occasion avoir un aperçu du futur et affirme  que la place de Tim sera vide l’an prochain, mais Scrooge ne disait –il pas que « Cela réduira le surplus de population ? » On montre rarement aussi dans les adaptations le fait que l’esprit du Noël présent  cache sous sa robe deux enfants appelés Ignorance et Misère, que Scrooge doit craindre plus que tout. Puis l’esprit du Noël présent, dont l’existence est courte, vieillit d’un coup et tombe en poussière.



Le troisième esprit se manifeste sous l'aspect de la Faucheuse (cape noire) et ne dit jamais rien mais montre tout du doigt.



 Dans le futur, Scrooge entend des notables se réjouir du décès d'un vieillard qui serait mort seul puis voit sa servante revendre les rideaux de son lit en affirmant qu’ils ne serviront plus. Scrooge commence à se douter de l’identité du mort, et hélas il n’est pas le seul trépassé. Chez les Crachitt, ceux-ci pleurent la perte récente de Tiny Tim. Scrooge voit la tombe du garçon au cimetière, mais aussi une fosse neuve, surmontée d’une pierre tombale où est inscrit le nom d’Ebnezer Scrooge. Devant les flammes de l’enfer qui s’échappent de la fosse, Scrooge jure à l’esprit du futur qu’il compte changer de conduite.



Scrooge s’éveille dans son lit et c’est toujours le matin de Noël. Il court acheter puis envoyer une dinde chez Bob Crachitt, annonce à Fred qu’il partagera son dîner de réveillon, et recroise les gentlemens  de la veille qui cette fois obtiennent de lui une somme élevée. Puis il annonce aux Crachitt qu’il prendra Bob comme associé avec un meilleur salaire. Tiny Tim, à qui on pourra payer des soins, ne mourra pas, et Scrooge devient comme un second père pour lui.  On ne connaitra pas, par la suite, d’homme fêtant Noël avec plus d’enthousiasme.



D’abord juste écrite par Charles Dickens pour rembourser une dette, on doit au retentissement de cette nouvelle la popularisation de la fête de Noël (depuis très respectée en pays anglo-saxons, et ceux sous leur influence) qui était jusqu’alors rarement perçue comme une fête familiale.




La faute au protestantisme calviniste  (celui  du Royaume-Uni) qui voyait dans Noël un reste de fête païenne (la présence d'un saint, Nicolas, y était pour beaucoup, la Réforme n'aimant pas les intermédiaires des saints). Depuis Cromwell (1640) les britanniques perdirent la notion de la fête proprement dite, qui devient une occasion de s’enivrer, comme au premier de l'an (pas étonnant que Scrooge la méprise!). Mais vient l'influence de l'époux de la reine Victoria, le prince Albert, et quelques traditions qu'il ramène de son Allemagne natale (notamment les sapins) . Dickens attirera aussi l'attention sur le travail des enfants, (Oliver Twist, David Copperfield) et ceux-ci deviendront le centre de la famille en étant progressivement retirés des usines. 

Le livre popularise aussi tout le folklore qui va avec Noël, à commencer par la représentation systématique, y compris dans les médias modernes, de Noël sous la neige alors qu’en réalité cela ne concerne que l’hémisphère nord, et surtout que le « petit âge glaciaire » qu’a connu  Dickens (les huit premières années de sa vie auraient été autant de noëls sous la neige) est terminé  depuis fort longtemps et de la neige si tôt dans la saison n'arrive plus en fait que dans les régions montagneuses et le cercle polaire.



Jacob Marley a quant à lui inspiré la représentation moderne des fantômes, vous êtes-vous déjà questionnés sur la présence des boulets et des chaînes systématiques sur ces derniers alors qu'on pas forcément affaire à un ancien bagnard? La vérité, c'est que les fantômes ont par la suite toujours été perçus comme devant traîner une chaîne avec tout le poids de leurs péchés...






Jusque pour Spectra Von der Geist dans Monster High

Voilà qui doit vous sembler familier, étant donné la fréquence des adaptations. Parmi les plus récentes, Le Drôle de Noël de Scrooge  est  à la fois l’une des plus fidèles et des plus flippantes.




Le tout produit par Disney, bonne nuit les petits!

 Mais ce grand classique est aussi un sujet de prédilection dans les univers  franchisés, dont les personnages ont coutume d’être des « adaptateurs universels » . C’est-à-dire que le casting habituel raconte un classique de la littérature (ou du cinéma) tout en endossant les rôles adéquats: usuellement le héros joue le protagoniste principal et son ennemi juré celui du méchant du récit, par exemple. On y retrouve le principe de la comedia dell arte dont les personnages récurrents (Pierrot, Pantalon, Arlequin, Colombine...) interprétaient des personnages toujours différents mais gardaient leurs personnalités propres.

 Les Simpsons, Les Muppets, ou la bande à Mickey sont coutumiers du fait.  Les Simpsons n’ont cependant jamais raconté l’histoire du Chant de Noël directement, et se sont contentés de faire remarquer la fréquence des adaptations . Pourtant Mr.Burns semblait tout indiqué, mais le jour où il a vu surgir le fantôme de Marley, il s'est empressé de le faire disparaitre d'un coup d'aspirateur! Soyons honnêtes, souhaitons-nous vraiment voir Burns abandonner son rôle de crapule?



C'est pourquoi quand les "castings adaptateurs universels"  adaptent l'ensemble façon commedia dell arte le rôle de Scrooge n'est pas pour un vrai méchant qui ne pourrait pas être réformé mais plutôt un personnage typiquement grincheux mais néanmoins du bon côté de la Force: Daffy dans Bah! Humduck, (version Looney Tunes)


Picsou dans Le Noël de Mickey 


 et le Schtroumph Grognon dans Les chants de Noël des Schtroumphs. (plutôt que Pat Hibulaire ou Gargamel, donc.)



Dans Noël chez les Muppets,

























de nombreux personnages principaux sont incarnés par des humains (Scrooge, Belle, Fred) mais presque tous les autres sont des muppets: les esprits (néanmoins personnages originaux), Kermit qui est Crachitt et Miss Piggy sa femme, leurs neveux leurs enfants (Robin le têtard étant Tim),



Fezziwik devient Fozzywik (puisque c'est Fozzie Bear), Gonzo est Charles Dickens soi-même


 tandis Marley est fait deux, Statler et Waldorf jouant les frères Jacob et Robert Marley.


 Et ça ne change rien: l'histoire a la même morale même si elle ne concerne pas les mêmes personnages à proprement parler.

                                                   Également une version musicale!

                                       Auriez-vous imaginé Marley en train de chanter?


Le Noël de Mickey tape dans le mille en donnant le rôle de Scrooge à Picsou; dont le nom en version originale est "Scrooge Mc Duck"! Le nom est en fait synonyme d'avare en langue anglaise comme peut l'être l'Harpagon de Molière en français. (d'ailleurs les premières vf de la BD l'appelaient ainsi!)



  Mickey est Bob Crachitt, ce dernier tendant à être interprété par le héros de l'univers concerné. Dans Bah! Humduck, il s'agissait de Bugs Bunny. Selon toute logique on retrouve Minnie en Mme Crachitt, leurs neveux (Jojo, Michou et Mélodie) pour être leurs enfants,



 Daisy est Belle, Donald Fred, étant déjà le neveu de Picsou (même si cela le rend plus "modèle" que d'habitude) et plus étrangement Dingo est Marley.


 Dingo, le type le plus sympa de la terre, escroquer les pauvres? En revanche le fait de s'emberlificoter dans ses chaînes lui ressemble bien, au point de rater sa sortie et de tomber en poussant son fameux cri.


Les esprits sont Jiminy Cricket (puisqu'il représente la conscience),


 le géant de Mickey et le haricot magique pour le présent (puisqu'il est aussi géant)



 et Pat Hibulaire déguisé en faucheuse pour le futur.



Mais il n'y a pas que les vieux avares à s’occuper sur terre, loin s'en faut! D'autres ont aussi reçu la visite de ces esprits, comme dans Fantômes en fête qui porte en VO le titre plus explicite de Scrooged.

  Il s'agit d'une transposition moderne (1988). Cette fois, Scrooge est Frank Cross, un patron de chaîne de télé, qui à défaut de détester Noël voudrait pour faire de l'audimat que tout le monde le passe devant sa télé et décide de diffuser une version en direct d'Un chant de Noël, dont il ne paraît pas réaliser le sens profond.

Son Fred est son frère James, à qui il se contenterait bien d'envoyer une serviette pour Noël si sa secrétaire Grace n'avait eu l'idée d'envoyer un magnétoscope (années 80, dernier cri de la technologie) à la place. Grace a pour fils cadet Calvin, devenu muet depuis que son père s'est fait assassiner sous ses yeux.


Ils sont donc Bob Crachitt et Tiny Tim. Mais Bob est aussi un peu Eliott Loudermilk, un employé de la chaîne que Frank a renvoyé juste parce qu'il avait exprimé une opinion contraire à la sienne. Quant à Grace, sa seule prime de fin d'année sera aussi une serviette...
A trois jours de Noël, Frank voit apparaître devant lui son ancien patron Lew Hayward, décédé sept ans plus tôt d'une crise cardiaque.


Juste après sa disparition et ses avertissements, le répondeur du téléphone donne mystérieusement le numéro de Claire, l'ex-petite amie que Frank n'a pas vue depuis 15 ans. Elle est Isabelle, excepté que Frank la revoit, travaillant pour un refuge de sans-abris.

Après un déjeuner d'affaires où Frank a des hallucinations horribles du genre un œil dans son verre ou un serveur qui prend feu, l'esprit des Noëls passés se manifeste peu après . Cette fois on dirait un nain au volant d'un taxi, dont il se sert pour remonter le temps façon Retour vers le Futur.


Frank voit les noëls peu chaleureux de l'enfance, tout le temps où la télévision lui tenait compagnie, les réveillons auprès de Claire et celui où ils ont rompu à cause de son ambition grandissante. Le parallèle avec les répétitions du programme télé se font toujours plus remarquables, Frank ne pouvant s'empêcher d'apostropher la comédienne jouant Isabelle en pleine scène de rupture.

Ayant contrairement à d’habitude du temps entre chaque visite d'esprit, Frank va voir  Claire où il lui conseille de penser à elle-même plutôt qu'aux nécessiteux. L'esprit du noël présent se manifeste non sous la forme d'un géant mais d'une fée totalement allumée (elle doit même avoir carrément deux fils qui se touchent).


Frank voit la famille de Grace et réalise pour la première fois le veuvage de celle-ci, et le mutisme de son fils. Il voit aussi que son frère lui avait fait un cadeau précieux sous la forme d'un cadre photo personnalisé.

L'esprit des noëls futurs est toujours une faucheuse, mais son visage est une télévision (belle métaphore) et c'est lui qui cache des créatures étranges sous son manteau.








 Il use pour sa part d'un ascenseur pour voyager dans le temps dont les différents niveaux correspondent à des futurs plus ou moins lointains. Dans le premier, on voit Calvin envoyé à l'asile, puis Claire devenue une retraitée au cœur de pierre. Quand Frank voit son enterrement où seuls son frère et sa belle-sœur se sont déplacés, il proteste que mourir dans le futur n'a rien d'inattendu...mais panique en se voyant incinéré!

Il se retrouve dans le présent, et court sur le plateau où il interrompt la retransmission d'Un chant de Noël en disant que les acteurs et techniciens ne devraient pas travailler pour un spectacle en direct ni les spectateurs être devant leur télé, mais être en famille. Claire accourt sur le plateau et renoue avec lui (assez rare pour un personnage à la Isabelle) tandis que Calvin, qui a suivi sa mère sur les lieux, laisse échapper l'inévitable "Que Dieu bénisse chacun de nous".



Après les patrons télé intraitables, qui d'autre peut avoir besoin des esprits de noëls? Les divas (dans tous les sens du terme) peut-être?



Barbie et la Magie de Noël est à la fois une variante et un cross-over. Cross-over, parce qu'il s'agit d'une adaptation dans l'univers de Barbie ( elle a donc un rôle majeur ainsi que son amie afro-américaine, Nikki). Mais aussi variante, pour s'adapter au-dit  univers. C'est en fait la seule adaptation à ce jour à être, assez rare pour qu'on le souligne, une version féminine.

Au début, Barbie -elle-même- décide raconter l'histoire à sa sœur Shelly, car celle-ci "déteste noël" qui ne sera pas cette année fêté de la manière habituelle. Au lieu du réveillon familial, un bal de charité. Pour ramener l'esprit de Noël, Barbie raconte cette version très personnelle d'Un chant de Noël. 



Personnelle, parce que Barbie y joue un Scrooge rajeuni et féminin, Eden Starling. Oui, parfaitement, Barbie y joue l'antagoniste. Rien que pour ça, voilà qui vaut le coup d’œil, même quand on est réfractaire à Barbie sous prétexte de son image mièvre et toute rose. En réalité, c'est plus complexe que cela puisque celle-ci "porte les habits roses de son sexe, mais en a fait craquer quelques coutures" (selon le documentaire Histoire de jouets) . Elle est entre autres la seule femme à ce jour à avoir été président des États-Unis ou être allée sur la lune.



Dans ses premiers films, ceux-ci étaient des adaptations où Barbie tenait de façon appropriée les rôles de Raiponce ou Odette (Le lac des cygnes). Mais là, Shelly remarque à juste titre que d'habitude  on lui raconte des histoires de filles gentilles faisant le bien autour d'elles.

Et là...Eden a des yeux verts, un grain de beauté et une voix différente de d'habitude mais ne vous y trompez pas, c'est quand même Barbie malgré les artifices évoqués précédemment.


 (En fait, c'est carrément l'ancêtre de Barbie comme le prouve sa boule de neige transmise de génération en génération)



 Il y a de quoi s'en étonner: dans les cross-over, le rôle du héros est habituellement celui de Bob Crachitt. (Ici, c'est Nikki qui joue Catherine Bidnell, un Bob féminin) Alors oui, comme Ebnezer, Eden est un personnage qui va se corriger mais ça surprend la première fois (tellement que c'est le premier film Barbie que j'ai regardé "Comment ça l'antagoniste? Faites voir!") . Une bonne preuve est son chat, Charleston (Chuzzlewit en VO du nom d'un autre personnage de Dickens). D'habitude les acolytes chats de Barbie sont de charmantes petites chattes qui parlent, cette fois, un mâle gras, grognon et sans la parole, on dirait plutôt Lucifer de Cendrillon (et donc  un acolyte de vilaine!).





Eden est cette fois une cantatrice adulée, et son défaut, c'est l'égoïsme: caprices de diva droit devant!  Et  pourquoi pas: si seuls les vieux avares avaient besoin d'être réformés, ça se saurait... Eden semble posséder le théâtre où elle chante, et c'est pourquoi elle pousse la troupe qui doit s'y produire à partir du mois prochain à répéter chaque jour dans un souci apparent de la perfection.

Le problème, c'est que cela comprend le jour de Noël. Eden elle-même déteste ce jour, et n’envisage pas que d'autres puissent vouloir le passer en famille. Pas même sa couturière et amie d'enfance, Catherine Bidnell.



En fait, Eden qualifiera même en version française Noël de "rigolade" ce qui peut laisser dubitatif sur son sens. En VO c'était en réalité bien sûr "Humbug"! Était-ce vraiment si dur de traduire par "Balivernes"?

Le fantôme qui rend visite à Eden la nuit venue est celui de sa tante Mary qui fut sa tutrice et l'a poussée à devenir chanteuse dès l'âge de 13 ans, en lui assurant que "Dans un monde égoïste, seuls les égoïstes réussissent." Ses chaînes se terminent par des miroirs, métaphore limpide d'égocentrisme et de vanité depuis Blanche-Neige.

 

Jacob Marley est de coutume un exemple de ce que Scrooge est, et c'est pourquoi ce dernier risque de finir comme lui. Mais on ignore généralement pourquoi Marley prend la peine passer prévenir, et au bout de seulement sept ans. Par amitié, peut-être? En revanche il est intéressant de voir un Marley responsable de ce qu'un Scrooge est devenu. Comme Lew Hayward dans Fantômes en fête, qui fut un émulateur pour Frank Cross, ici Mary qui est celle qui a fait détester Noël à Eden puis l'a poussée à être égoïste. Et elle vient, comme Hayward, défaire en quelque sorte ce qu'elle a fait, en plus de chercher sa propre rédemption (ce sera la seule "Marley" qu'on revoit sans chaînes à la fin).

L'esprit du passé est ici une préadolescente rappelant une fée, et lumineuse comme il se doit. En fait les trois esprits paraissent fée ici, complétant la panoplie habituelle de leur baguette magique.



Elle use d'un tunnel temporel pour voyager, en opposition avec l'habitude de faire voler Scrooge à l'extérieur (ou d'user d'un taxi comme plus haut)..


Cet esprit ne montre qu'un Noël, mais déterminant: privée de réveillon classique par sa tante et sommée de répéter (on voit d'où lui vient une telle habitude!), Eden enfant s'est échappée à la première occasion et s'est invitée chez les Bidnell, ses voisins, où elle devait partager le réveillon. Hélas, l'arrivée et le sermon reçu par chacun de la part de la tante Mary a gâché la fête et ce fut la dernière célébration de Noël d'Eden.



Celle-ci rentre en pensant avoir rêvé mais l'esprit du noël présent se montre sous la forme d'une femme rousse vêtue d'une robe verte rappelant un sapin par les décorations suspendues sur cette dernière. Elle n'est pas géante, mais en surpoids-fait assez rare chez un personnage positif de Barbie. Et pour éviter les conséquences déplaisantes si l'esprit était apparu entouré d'un banquet, elle est environnée d'instruments de musique (normal, vu le métier d'Eden).


 
L'esprit montre la troupe de théâtre bombardant une affiche d' Eden de tomates, en référence aux devinettes aux dépends de Scrooge, puis  Catherine emportant des vêtements qu'elle a cousu pour les enfants de l'orphelinat le plus pauvre de Londres. Parmi eux, Tammy, que Catherine désire adopter: avec sa béquille, elle est Tiny Tim.


 L'orphelinat, en difficulté , risque d'être fermé avant le printemps.


Le dernier esprit a l'aspect...d'une jolie grand-mère, même si elle arrive le visage d'abord couvert d'un capuchon et s'annonce d'un "chut!"; toutefois c'est une charmante vieille femme couronnée de houx qui peut parler.



Édulcoration? Peut-être, mais aussi représentation des périodes temporelles: enfant pour le passé, adulte pour le présent et personne âgée pour le futur. Et d'ailleurs, pas besoin d'être déguisée en faucheuse dans la mesure où la mort ne fait pas partie de ce futur là même s'il reste effrayant.

Le tunnel emprunté par l'esprit a cette fois ci de multiples sorties possibles pour signifier que le futur n'est pas figé. Eden ne se voit pas mourir, mais renvoyer sa troupe qui est arrivée en retard le lendemain. Les personnes qui vont les remplacer vont s'avérer peu douées et Eden connaîtra la banqueroute. Elle se voit à Noël, misérable dans sa chambre jusqu'à ce qu'un tract lui apprenne que Catherine a ouvert une maison de haute couture. Hélas cette dernière ne semble pas disposée à aider son amie d'enfance. Catherine raconte comment retrouver du travail l'a éloignée de Londres pendant des mois, et au retour, elle a trouvé l'orphelinat fermé et les enfants "envoyés aux quatre coins du monde" même si en évoquant des vagabonds, l'esprit du présent faisait une prédiction bien plus sinistre. Catherine a décidé à ce moment qu'effectivement le monde était égoïste, et qu'elle aussi le serait.


Eden du présent se réveille chez elle et change là encore de conduite, accordant un congé et des primes à ses employés et rachète l'orphelinat.


 S'est-elle une fois de plus montrée égoïste, agissant ainsi juste pour s'éviter de finir dans l'indigence? Non, car on pourrait penser que Scrooge tentait aussi de s'éviter de mourir comme un chien. Et pourquoi Eden ne s'en serait elle pas tenue à éviter de renvoyer ses employés dans ce cas?  Contrairement à ce qu'on pourrait penser le thème de la  mort n'est pas évité juste pour correspondre à une censure abusive qui interdit même qu'on prononce le mot.

Ça entre aussi dans nos valeurs actuelles: à l'époque victorienne, mourir seul et sans personne  à son propre enterrement était le comble de l'horreur (notamment parce que cela faisait risquer de manquer les derniers sacrements, les prières d'autrui pour l'au-delà, etc).  A notre époque plus sceptique, ça ne poserait pas de problèmes à un tas de gens à la condition de mourir néanmoins riche comme Scrooge. La perspective de vivre pauvre (et au point où elle se trouvait, Eden n'aurait guère pu voir sa situation s'améliorer) et/ou de voir des êtres chers devenir mauvais devient la perspective réellement effrayante en comparaison. Une version en dessin animé avec des furries (animaux anthropomorphes) avait également une telle variante au moment de la fin.


La mort de Tiny Tim est elle par contre presque toujours aussi horrible au lecteur moderne, étant celle d'un enfant. Mais on peut s'interroger sur un impact presque encore plus fort dans cette version, qui montre Tiny Tim adulte et aussi désagréable que Scrooge dans le futur, mais pauvre.

Et que dire d'imaginer Tammy vagabonder? Dans Fantômes en fête, Calvin est vivant mais le regard lourd de reproches de l'ado à l'asile en dit long. Et Claire (influencée par la déclaration de Frank de prendre "plus de temps pour elle") y devient elle-même aussi vilaine que Catherine de Barbie et la Magie de Noël dans le futur: horreur, qu'une personne généreuse se transforme en une sorte de Scrooge! Catherine est à la fois Fanny et Isabelle (être cher du passé), Bob Crachitt (employée d'Eden, souhaitant être la mère de Tammy) , et Fred: (aimant Noël et raisonnant Eden). Mais elle est toujours présente auprès d'Eden quand l'histoire finit.








Dans la version des Schtroumphs, Schtroumph Grognon n'a pas de problèmes d'avarice, mais d'amertume à force de recevoir un nouveau bonnet chaque année à Noël à la place du deltaplane qu'il espère. Alors qu'il reste chez lui à bouder, Schtroumph maladroit le remplace pour placer l'étoile en haut du sapin et finit par y mettre le feu. Le lendemain, les Schtroumphs  partent en forêt remplacer le sapin et s'y font capturer par Gargamel. La mort est de nouveau absente de cette version (quoique imminente)  puisque Schtroumph Grognon trouve tout le monde enfermé dans des cages et se fait lui -même poursuivre par Azraël avant de se réveiller d'un rêve induit par une potion du Grand Schtroumph où il a vu passé présent et futur avec les esprits (La Schtroumphette, Schtroumph à lunettes, et Schtroumph costaud) il procède aussitôt à remplacer lui-même le sapin avant le lever des autres.

Pas toujours avares, les Scrooge? En fait, la structure du conte est si connue qu'il suffit d'une veillée de Noël, d'un personnage mauvais à corriger d'un défaut, des trois esprits et de trois déplacements dans le temps, et hop. Une structure qu'on a appelée "Encore un chant de Noël" quand une série a un tel épisode. Voire, ce n'est même pas la peine que ce soit Noël! Juste d'être hanté par le passé; le film Hanté par ses ex confrontait un homme volage à ses ex conquêtes.



Ou Cruella Denfer dans la version série télé des 101 Dalmatiens, mais la connaissant, aurait elle vraiment changé?



Les parodies sont également communes et de trois sortes: transformer un être gentil en personne méchante, un méchant qui ne change pas d'attitude après la visite des esprits, ou encore les esprits sont en fait maléfiques.


On trouve la première version dans un épisode de Blackadder ( qui conte l'histoire de la  lignée Blackadder, tous interprétés par Rowan-"Mister Bean"- Atkinson), l'ancêtre généreux mais brutalisé par les esprits expliquant la mauvaise disposition de ses descendants.



Second cas? Dans le style comique, Dark Avenger dans l'épisode de Noob "L’étrange Noël de Dark Avenger".



Alors qu'il joue sur le MMORPG Horizon le 25 décembre, le Player Killer (qui tue les avatars des autres par plaisir) Dark Avenger voit arriver trois PNJ (personnages non-joueurs) qui sont les esprits et le prennent en quête. Le premier lui montre ses débuts difficiles et les moqueries de la part des expérimentés. Celui du présent, la peur que Dark Avenger inspire depuis qu'il tue les avatars des autres à tour de bras pour se venger. Le dernier, le fait qu'il risque de provoquer un jour la mort pour de vrai du joueur Morgan Lavande (dont l'avatar est Omega Zell) . Énervé après la énième mort d'affilée de son avatar par Dark Avenger, Morgan en tombe à la renverse et se brise le cou!

Déconcerté, Dark Avenger recommence pourtant à tuer les avatars dès le 26 décembre! (et l'incident avec Morgan ne se produira d’ailleurs jamais.)



Similairement dans un épisode de Sabrina l'apprentie sorcière, celle-ci a trop arrosé son ami Harvey d'une potion d'ambition en sorte qu'à 17 ans, c'est déjà un businessman implacable. Pour réparer sa bêtise, Sabrina tente de l’effrayer en infiltrant ses rêves et en lui montrant un futur proche où il ne sait plus quels sont les noms de ses futurs enfants à force de travail. Où les gens de leur ville devront porter des masques à gaz pour que l'usine construite par Harvey ne les intoxique pas dans un futur plus lointain. Puis une fête où chacun se réjouit et s'amuse, et qui est l'enterrement d'Harvey! Mais ce dernier n'y voit pas d'inconvénient du moment qu'il mourra riche! Sabrina devra trouver un autre moyen pour le ramener à la normale.




Ce twist sera réutilisé dans un style dramatique, avec Smallville et l'épisode appelé en VO Lexmas.




On sait que dans la série Lex Luthor débute comme un personnage bon; comment est -il devenu un super vilain? Cet épisode fournit un début de réponse: Lex est atteint par des balles et sombre dans le coma. En rêve, le fantôme de sa mère défunte affirme lui montrer un futur possible. Lex s'y voit marié à Lana Lang (consentante) et avec des enfants en raison d'un changement d'attitude de sa part à son réveil après son coma, selon sa femme.



Mais ils sont pauvres car son mariage a éloigné Lex de son père milliardaire. Lana meurt en couches, ce qu'avec son manque de moyens Lex n'a pu empêcher.



 Il apostrophe le fantôme: comment serait-ce un bon avenir s'il doit s'y retrouver veuf, et bien que sa mère affirme qu'au moins il y aura connu un véritable amour? Au réveil, Lex décide donc...de rester un homme d'affaires, qu'il deviendra impitoyable et obtiendra Lana de force.



Dernière possibilité, présentée de façon dramatique également: l'épisode Soleil de Noël dans Buffy contre les vampires.


A Noël, la culpabilité ronge le vampire Angel et son âme humaine , d'autant qu'avant qu'on lui rende cette dernière, il avait plaisir à commettre des meurtres à cette époque de l'année, vus en flash-back: un jeune homme qui devait se marier, une servante fille-mère et son fils (à l'époque victorienne), un homme dont toute la famille a été tuée et l'ancienne prof de Buffy, Jenny Calendar (époque moderne). A la veille de Noël, Angel voit inexplicablement ses victimes lui apparaître et lui faire des reproches au point que le vampire envisage le suicide par le soleil.


 Des nuages de neige cachant ce dernier le sauveront par miracle. Tant mieux: les hallucinations auraient été provoquées par le diable en personne!



Même parodiée ou détournée, cette histoire, en plus de nous avoir donné le Noël moderne, est une des plus belles histoires de rédemption qui soient, expliquant sans aucun doute possible sa célébrité.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire