Ceci n'est pas une Sue: les princesses Disney
Oui, il y en a. En fait, au départ, parler des Sue n'est pas simple en raison de controverses, et ce n'est pas peu dire qu'elles sont nombreuses. Certains sont prêts à soutenir, bec et ongles, que leur personnage préféré n'en est pas une, même si c'est vrai.
La critique n'empêche pas que le personnage leur soit agréable, mais ce reproche donc, leur est difficilement supportable. Inversement, qualifier de Sue un personnage qui dérange (fut-ce t-il fanon ou canon) est un réflexe qui vient rapidement quand on est gêné(e) par son existence. Les pour et les contre peuvent provoquer d'interminables flamewars sur des espaces d'échanges comme les forums ou les wikis.
Voilà pourquoi, ces dix dernières années, ces espaces ont peu à peu banni les exemples de Mary Sue. Ils ont été effacés de TVtropes et en ajouter est aujourd'hui interdit. La même chose est arrivée sur Wikipedia bien que j'aie eu le temps de préserver la version antérieure (ici). C'est désormais une règle établie partout.
C'est une bonne chose en fait, si l'on considère que le terme de Mary Sue a en fait un côté sexiste, du moins ces derniers temps. Certes les garçons peuvent en être aussi, nous avons analysé des Gary Stu, rappelez-vous. Mais le terme générique est féminin. Au début, je n'y ai vraiment pas vu malice. Mais, en y repensant, ce n'est pas anodin. Parce que, plus d'auteurs de fanfics sont de sexe féminin, certes, et que les Mary Sue sont souvent des avatars, c'est sûr aussi. Sans parler du fait que le terme a été inventé par une femme. Mais la coïncidence n'en est peut-être pas tout à fait une. Récemment, Daisy Ridley, l'interprète de Rey dans Star Wars, a fait savoir qu'elle commençait à trouver que le terme appliqué à son personnage était en fait une attaque sexiste.
J'ai bien peur qu'elle ne dise vrai. En effet, on peut être légitimement déçu par Rey, parce qu'elle n'est pas Jaina Solo, parce qu'elle n'est pas une Skywalker en dépit de ce qu'elle dit dans le troisième film, et parce que vue la façon dans la saga est écrite, oui, elle a l'air de maîtriser la force assez vite. Je parle en tant que personne déçue par la postlogie, bien que je ne sois pas fan de Star Wars à la base, car je pensais qu'on adapterait en fait l'univers de Star Wars Legends.
Histoire de rajouter à ces problèmes, les scénaristes des films, puisque il y en a plusieurs et non plus un seul comme à l'époque où George Lucas chapeautait l'ensemble, n'avaient pas vraiment l'air de savoir où ils allaient, le neuvième film contre disant le huitième à souhait, et le huitième le septième.
Mais comment savoir, parmi les détracteurs de Rey, ceux qui ne l'aiment tout simplement pas parce que c'est un personnage principal féminin ? Il faut garder en tête le contexte dans lequel elle est apparue, et dans lequel ça s'est vu de taper à bras raccourcis sur le remake de GhostBusters, parfois uniquement parce que le casting était féminin.
Il y a eu aussi des ...comment les qualifier? Disons, fans de Star Wars, pour rester polie, qui ont remonté le deuxième film de la postlogie sans les rôles féminins parce qu'ils trouvaient qu'il y en avait trop.
Dans ces conditions, on ne peut pas exclure que leurs sentiments envers Rey soient parfois motivés par la misogynie. Et cela les enfants , ce n'est pas acceptable. Je l'ai classée dans les controversées, mais ne lui ai pas décerné le titre, pour cette raison.
On en vient au fait que les Mary Sue, si agaçantes soient-elles, quand ce sont des personnages féminins, présentent en fait cette particularité d'être des personnages féminins proéminents, qu'on ne peut pas ignorer.
Et donc non, Captain Marvel n'est pas une Sue non plus. |
Ce simple fait, encore une fois, peut suffire à énerver certains spectateurs ou lecteurs masculins, vous l'aurez compris. Oui, la société en est parfois encore là. Et voilà comment l'accusation d'être une Mary Sue, pour un personnage féminin, a pu être la version moderne du bûcher où on brûlait comme sorcières les femmes rebelles de jadis.
Et le problème est parfois aussi rencontré par les autres minorités comme les personnes non blanches (ou POC), et les LGBT. Ceux qui trouvent qu'ils ont un rôle trop proéminent, accusent ces personnages d'avoir des défauts qui n'ont parfois pas, alors que la vraie raison qui dérange, c'est le fait qu'il ne s'agisse pas d'hommes blancs et hétéros. Autrement dit, le profil classique de la plupart des héros. Mais peu osent l'admettre haut et fort, néanmoins, et préfèrent justifier leur aversion en la disant liée à des défauts du personnage.
Quand un personnage important appartient à une minorité, s'il n'y en avait pas avant lui ou elle, il faut parfois mettre la dose, si je puis dire.
Parce que, les minorités sont dans l'ombre la plupart du temps, donc pour faire voir de façon positive un personnage qui appartient à ces minorités, il faut exacerber ses qualités et parfois les pousser au-delà du réel pour faire comprendre que oui, elle ou il est bien capable.
Les Mary Sue ont le problème que rencontrent les autres grandes figures féminines de l'inconscient collectif, puis de la littérature et du cinéma. Comme la sorcière, ou la princesse.
Des femmes puissantes, mais cela dérange, et qui se sont vues amoindries dans beaucoup de récits pour cette raison. Les sorcières ont été dévalorisées en les rendant systématiquement laides et méchantes et donc en position d'être détruites par le héros, puisqu' elles le méritent.
Vous pouvez me dire qu'en revanche les fées sont des figures positives, mais rappelons qu'elles sont censées ne pas être humaines. En outre, à part parrainer les enfants, la principale fonction des fées dans les contes et les légendes, c'est de tomber amoureuse d'un beau chevalier mortel. Et éventuellement de l'épouser, c'est donc un fantasme de la compagne parfaite.
Quant aux princesses, on les a rabaissées en faisant d'elles des nunuches, des faibles, et des gourdes incapables de se défendre, attendant dans une tour les hommes qui viendront les délivrer et dont elles deviendront la récompense, quand on leur donnera leur main, permettant aux héros d'accéder au pouvoir.
C'était une façon en quelque sorte d'amoindrir une figure puissante, puisque la princesse est techniquement un futur chef d'État et qu'elle possède le pouvoir temporel.
Jusqu'à ce que, comme vous le savez , Dieu merci, les princesses Disney ont réhabilité la fonction. Ces dernières années, on a aussi eu tendance à absoudre les sorcières qui se sont parfois vues héroïnes de leur propre histoire, et donc belles et gentilles.
Mais pas seulement, elles ont parfois été récupérées par les mouvements féministes qui ont vu en elles l'incarnation du féminin monstrueux, celui que l'on cherche à rabaisser et qui est accusé de tous les maux, à cause de la vision insupportable d'une femme puissante.
Les manifestantes féministes ne s'y trompent pas, quand elles portent des pancartes avec le slogan: "Nous sommes les petites filles des sorcières que vous n'avez pas pu brûler".
Dans le même temps,les princesses Disney, en tout cas les plus récentes, se sont mises à sauver leur prince charmant, à se sauver elles-mêmes, voire à ne pas avoir besoin de prince du tout. En fait, elles sont elles -même les héros. Parfois elles assument le fait de régner sur le royaume.
Les Mary Sue, elles, sont une version tragiquement exagérée d'une héroïne qui, au départ, a pas mal d'atouts qu'ils soient physiques, mentaux, ou sociaux, etc. Ce n'est pas un hasard si souvent c'est une princesse, et qu'en plus elle a des pouvoirs magiques comme les sorcières.
Pas plus que c'est une coïncidence si un site américain initialement de pop culture, et plutôt destiné à un public féminin, (bien qu'il soit généraliste à présent), s'appelle the Mary Sue.
Le logo rappelle Rosie la riveteuse, une icône féministe américaine célèbre datant de la Seconde Guerre mondiale. Retroussant ses manches, cette ouvrière en armement rappelait qu'on "pouvait le faire" et c'était d'abord pour soutenir l'effort de guerre (les femmes remplaçaient les hommes partis au front et fabriquaient les armes). Mais, elle se verra détourner comme icône des luttes féministes.
Le logo du site, donc, c'est la même pose mais vue de dos. Les visages sont variables, et représentent de grandes héroïnes féminines bien connues, comme Wonder Woman, Storm, Leela de Futurama, Mulan, Hermione Granger... Mais pas de Mary Sue à proprement parler.
Donc, doit-on voir dans ce nom, et ce symbole, le fait de mettre des héroïnes féminines sur un piédestal, en utilisant la dénomination de ce qu'elles deviennent quand elles poussent leurs caractéristiques à l'absurde ? Exactement. Je terminerai en rappelant que dans Les enfants de la terre de Jean M.Auel, Ayla est devenue une Mary Sue à la fin, c'est sûr, que la bécasse a inventé le patriarcat, et à part ça beaucoup trop de choses pour que ce soit crédible pour une seule personne. Mais ça reste intéressant, que justement ces découvertes si importantes pour l'humanité (domestication des animaux, allumer le feu, l'aiguille à chas, la chirurgie, la fronde, la toilette moderne) aient été faites par un personnage féminin. L'idée de départ du girl power était donc bonne, c'est l'exagération qui a égaré le phénomène en cours de route.
Fort bien, me direz-vous, mais ça n'empêche pas que des personnages masculins soient concernés, et que les Gary Stu existent bel et bien. Et que parfois, il s'agit bien du héros homme blanc stéréotypé. Il n'y a donc aucun avantage à le voir sur un piédestal.
C'est vrai, mais quand bien même: on peut créer des Gary Stu, et donc des Mary Sue, sans risquer grand-chose. Quand c'est vraiment marqué, et que cela dure longtemps, alors oui, la réputation du ou des auteurs peut en pâtir, et celle de l'acteur/ de l'actrice aussi dans le cas d'un personnage interprété en live.
L'oeuvre, de façon générale, peut aussi en retirer une assez mauvaise réputation dans les années à venir.
Mais me direz-vous, quelle importance, si cela a eu le temps de rendre son auteur riche et célèbre.
Voyons les choses en face, aucune loi n'interdit l'existence des Mary Sue. Tout ce que vous allez risquer sur le long terme si vous êtes un professionnel qui en a créé une, ce sera peut-être d'avoir la mauvaise réputation dont j'ai parlé plus tôt. Mais l'existence d'un personnage concerné par le problème ne sera pas obligatoirement effacée, son écartement (s'il a lieu) vient d'un phénomène de ras-le-bol, et plutôt de la part de son interprète comme je l'ai dit. Quand vous désignez un personnage comme Sue, il ou elle ne risque pas grand-chose sur le moment, et c'est comme ça.
Si c'est dans une fanfic, c'est déplorable, mais il y a rien de plus à faire que d'éviter de lire. Il ne sert à rien d'en accuser un auteur, même si la prévention, comme je l'ai faite, vise à empêcher que cela ne se reproduise trop souvent.
Évidemment, mieux vaut éviter qu'un auteur professionnel débutant ne se ridiculise en envoyant à un éditeur un premier ouvrage dont le protagoniste en est trop visiblement une. Mais, cela est en fait rare de la part d'un débutant et dans un premier volume, où il faut rester agréable à lire. L'exagération ne vient qu'au fur à mesure des tomes comme on l'a vu dans le cas de Tara Duncan ou de Bella Swan. Beaucoup de gens ont dit d'elles que c'était intéressant au départ, et que ça s'est gâté par la suite.
C'est le cas où la Mary Sue est la résultante d'un autre problème: celui des séries qui durent bien trop longtemps. La prochaine fois que vous en croiserez une dans une oeuvre professionnelle, vous saurez qu'il est temps d'arrêter les frais, du moins pour vous. Et dites-vous que ça ne saurait continuer trop longtemps, sans que l'auteur n'en voie les conséquences. Si c'est un auteur de fanfic, dites le-lui, mais toujours gentiment. Il n'y a rien de pire que de se prendre une critique non construite par un parfait inconnu.
Peut-être même que cet auteur amateur ignore la signification du terme Mary Sue. Et si ce n'est pas le cas: ne vous montrez pas agressif.
Personne n'aime tomber sur une Mary Sue, mais croyez-moi, en revanche, vous aimeriez sûrement en être une...En fait, certains genres de fictions sont réputées être des catégories à part sur ce point, comme les contes de fées, les comics de super héros, la romance ou les histoires pour enfants. Normal que les héros de ces univers, escapistes, soient meilleurs que la moyenne. D'autres diront qu'ils préfèrent de tels personnages à des "héros" trop réalistes, qui ne font guère rêver...
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