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En règle générale, films animaliers chez Disney= baisse d'inspiration, à l'exception qui confirme la règle: Le Roi Lion. Et aussi, on l'espère, le présent Zootopie.
Mais quand même, surtout quand il s'agit d'animaux anthropomorphes (habillés) on pouvait craindre la période de sale temps. Robin des bois reste une légende pour les amateurs de furries, mais a inauguré un premier âge sombre.
Ce fut au cœur d'un deuxième âge sombre, qu'advint le deuxième film concerné, Chicken Little (2005) , que finalement bien peu se remémorent.
Zootopie est le deuxième film Disney à base d'animaux anthropomorphes et en 3D. Le titre désigne une cité immense unique en son genre, en un monde uniquement peuplé d'animaux (les réalisateurs ont annoncé que les humains sont une espèce inconnue) .
Des animaux qui en principe, vivent entre eux selon les espèces, dans des villages dédiés. Carotteville par exemple, contient essentiellement des lapins.
Judy Hopps en est originaire mais décide de s'installer à Zootopie, un endroit unique où vivent côte à côte diverses espèces. Elle sort major de l'académie de police, où elle a toujours rêvé d'entrer, malgré qu'on lui aie toujours dit qu'il n'y a pas de lapins dans la police: toujours constituée de grands animaux jusqu'alors.
La détermination de la lapine à rendre le monde meilleur se heurte rapidement à ses nouveaux supérieurs qui l'envoient aux parcmètres. Quand elle réclame une vraie enquête, on l'envoie retrouver en 48 heures Emitt Otterton, une loutre disparue. Judy doit mener ladite enquête avec la dernière personne à avoir vu Emmitt, Nick Wilde. Et Nick est un renard, l'ennemi naturel des lapins et bien connu pour arnaquer son monde.
Contrairement à Chicken Little, pas d'animaux marins ici (c'est souvent le cas)
mais pas davantage de reptiles ou d'oiseaux, qu'on trouvait dans Robin des bois.
Une fan théorie spécule d'ailleurs que ces deux espèces vivent à l'écart, et ne se sont pas installées à Zootopie. D'autant qu'on parle d'oiseaux dans la chanson du film Try everything !
Pas non plus d'animal domestique à part les cochons d'Inde et les lapins-tels que chien, chat, cheval. Pour l'essentiel, nous avons affaire à des "prédateurs" (loups, panthères, lions, renards, guépards,loutres...) et à des "proies" (tous les autres).
Dans un lointain passé, tous ces animaux auraient été ceux que nous connaissons: mode de vie sauvage et les prédateurs chassant pour se nourrir. Mais, ils ont connu une évolution (comme la nôtre) et vivent en bonne intelligence (en principe). Selon les réalisateurs, les prédateurs mangent à présent des insectes (on en est rassurés!). Reste que les proies continuent de se méfier des prédateurs.
Quand la loutre est retrouvée parmi 14 autres mammifères devenus sauvages, la première conclusion est que les prédateurs ne peuvent calmer d'ancestraux instincts de chasse, entraînant un climat délétère. Mais en réalité, il a fallu l’usage d'une plante toxique pour en arriver là, et à cause d'un complot manigancé par...Une proie (Wahou, on est pas si loin du thème de la drogue-base plante, qui change le comportement, fabriquée en laboratoire- en plus! Mais ce n'était pas la première fois chez Disney cela dit).
Le racisme fantastique est un thème central, et à tous les nivaux. D'abord, on répète qu'il n'y a "pas de lapins" dans la police. Le fait que Judy soit de sexe féminin n'est sans doute pas innocent, car les réactions négatives étaient les mêmes quand les femmes ont commencé à entrer dans la police (début du 20ème siècle). Ensuite, on attend des renards qu'ils soient sournois -et des prédateurs. Nick a appris de façon brutale qu'il ne pouvait pas être autre chose aux yeux des autres étant petit, et est devenu ce qu'on attendait de lui, un arnaqueur.
Quand la panique anti-prédateur se déclenche, Benjamin Clawhauser, le policier guépard qui travaille à l’accueil , est provisoirement relogé aux archives afin "que le premier visage que les visiteurs voient en arrivant au commissariat ne soit pas celui d'un prédateur." Une panique qui fera dire au personnage de Gazelle, une chanteuse "Ce n'est pas le Zootopie que je connais."
Non, elle ne sort pas de la pub pour Orangina, pourquoi? |
Pas le premier Disney entièrement animalier certes, mais le premier avec un tel message, dont on peut se réjouir (les parallèles avec notre société sont faciles à faire).
Par exemple, les discours offensants et les clichés, même si on ne fait pas exprès. Clawhauser laisse échapper un "mignonne" la première fois qu'il voit Judy. Mais celle-ci signale que c'est inapproprié venant de quelqu’un d'autre qu'un lapin. Aucune femme ne devrait, pareillement se laisser appeler "mignonne" par un homme qu'elle ne connait pas, bien sûr. Mais on peut aussi établir un parallèle avec le surnom que se donnent entre elles, par exemple, les femmes afro-américaines, "sis" (diminutif de sœur). Il est malvenu de la part d'une femme de toute autre ethnie de s'adresser à elles de la sorte.
Pour autant, beaucoup d'animaux correspondent effectivement aux stéréotypes. On retrouve des clichés animaliers qu'on trouvait déjà dans les films antérieurs, et chez La Fontaine qui usait aussi d’animaux pour instruire les hommes: le maire est un lion , le renard est rusé, les paresseux sont lents, les loups hurlent à la lune, les lapins se reproduisent vite et sont craintifs...mais pas Judy. (Sachant qu'à la base le lièvre s'appelle "Couart" dans Le Roman de Renart et a toujours été un symbole de lâcheté). Certains animaux ne correspondent pas aux clichés, mais cela nous rappelle qu'il y a aussi des originaux chez les humains.
Quant aux éléphants, leur mémoire ne se révèle pas toujours performante; une éléphante prof de yoga se voit spontanément attribuer une telle mémoire par son collègue yak, mais en réalité, c'est lui qui retient bien les choses. Ladite scène est un hilarant moment de bravoure puisque se déroulant dans un club naturiste, probablement la seule scène de la sorte qu'on trouvera chez Disney. On tombera dans les limites de anthropomorphisme avec la remarque à pleurer de rire du yak: "Des animaux qui portent des vêtements, ça ce n'est pas normal". Histoire de préserver les yeux sensibles, cependant, les attributs desdits animaux ne sont pas visibles.
Une des grandes originalité du traitement des animaux anthropomorphes, est le respect de leurs tailles respectives. Dans Robin des bois les souris sont minuscules certes,
mais pour le reste les blaireaux, renards, poules, etc, ont la même diversité de tailles que des humains c'est à dire pas très grande.
Dans la BD Blacksad, les animaux sont de taille humaine et ont aussi presque la même.
Par contre dans le présent film, les formats sont tels qu'ils sont dans la nature: le quartier des rongeurs est minuscule à l'échelle de Judy quand elle intervient pour coincer un voleur fouine; et sauve une musaraigne arctique. Cette dernière est la fille d'un parrain du crime qui est merveilleuse parodie de Marlon Brando en version petite souris (il ne manque même pas la référence au fait qu'on est au jour du mariage de sa fille).
Dans la catégorie auto parodie, la fouine s'appelle Duke Weaselton. (Weasel=Fouine) Et dans La reine des neiges, le Duc (Duc=Duke) de Weselton avait souvent son nom écorché en Weaselton (Vicieuxton en VF) ce qui lui déplaisait profondément; ici, la fouine déteste se faire appeler Weselton, au contraire.
Quant à son business malhonnête, il consiste à revendre des DVD piratés dont les titres ressemblent à ceux des derniers films de Disney en version animale. Il a même "des films pas encore tournés" , dont une jaquette inspirée de Jack et le Haricot géant...sachant que le film Disney Gigantic, sur le même sujet, sort en 2018!
Dans la même veine, le chef de police dit que la vie "n'est pas une comédie musicale, où on est libéré, délivré"(d'ailleurs Zootopie n'est pas une comédie musicale). Mais on ne verse pas dans l’attaque gratuite comme au début de Chicken Little (qui disait qu'on ne "voulait plus" de livre en ouverture...cela n'existait déjà plus depuis trente ans).
Autre atout, les décors: on en prend plein la vue avec la scène d'arrivée du train qui détaille les districts (traversés à mensure de l'enquête). Toundraville qui est couverte de neige, le district du Sahara qui est le désert, et celui de la jungle qui est constamment sous la pluie tropicale, sans oublier Little Rodentia et ses maisons de poupées...
L'intrigue policière ravira les amateurs de film noir, le contexte animalier rappelant un Blacksad en version tout public, qui plus est.
L'album Artic Nation exploitait aussi le thème du racisme mais entre animaux de poil noir et blanc. |
Une intrigue plutôt bien ficelée, même si le méchant "surprise" apparaît pour la quatrième fois après Turbo (Les mondes de Ralph), Hans (La reine de des neiges), et le professeur Callaghan (Les nouveaux héros) avec la "fausse piste" (comme celle du duc de Weselton et Alistair Krei) en prime.
De même, cette histoire est un nouveau "buddy movie" après La princesse et la grenouille, Raiponce et la reine des neiges sauf que les deux protagonistes ne finissent pas en couple à la fin, probablement en raison de la différence d’espèces, et pour une fois pourquoi pas. Quoique? En effet, à la fin, Nick plaisante "Tu sais que tu m'adores?" à quoi Judy répond "Je le sais". Parlent -ils d'amour agape (affection) ou éros (romantique), là est la question? (qu'on verra peut-être dans une suite). La question se pose déjà plus qu'avec Marin et Dory (Les Mondes de Nemo) ou Volt et Mitaines (Volt).
On ne peut que se réjouir, cependant, que cette histoire animalière et contemporaine sans chansons n'ouvre pas une période sombre (comme Robin des Bois, Bernard et Bianca et Rox et Rouky) et n'en soit pas le centre (comme Chicken Little, et Volt).
Comme Les Mondes de Ralph, ou Les nouveaux héros, cet opus est la "pause moderne" au milieu d'une Renaissance de Disney comme Bernard et Bianca au pays des kangourous durant les années 1990: pas le plus mémorable, mais néanmoins excellent. Je rejoint l'optimisme de Judy qui dit vouloir faire un monde meilleur, puisqu’à Zootopie, "chacun peut devenir ce qu'il veut".
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