vendredi 18 septembre 2015

Les femmes pirates



Nous revoilà au jour du parler pirate ...Donc nous reparlons des pirates. On croit bien les connaître à commencer par le fait qu'ils étaient  tous des hommes...Faux!


Bien sûr, vous devez connaître la tradition chez les marins (très superstitieux) de prétendre que la présence de femmes à bord ( ou de lapin, ou de parler de corde, ou d'appareiller un vendredi..) portait malheur. Et pourtant...Comme dans tous les corps de métiers, celui-ci a plus souvent versé dans la mixité qu'on le croit. Notamment car beaucoup de femmes se travestissaient pour accéder à des fonctions interdites.







Anne Bonney et Mary Read:




Mary, née en Angleterre,  appartient à la catégorie des travestis, enfant déjà, et pour des histoires d'héritage, elle devait se déguiser pour passer pour son frère décédé. Adulte, engagée comme marin, elle est capturée par le pirate gentleman et britannique Jack Rackam, dit Calico Jack, qui l'intégrera à son équipage et ne comprendra que plus tard qu'elle est une femme. Anne Bonney, l'amante de Jack, naviguera sous le faux nom d'Adam initialement; mais ses hommes auraient bien accepté la révélation de son sexe.



Un des jeux favoris d'Anne et Mary consistait, après un duel, à, révéler à l'adversaire qu'il avait été vaincu par une femme en montrant leurs poitrines.


Tout ce monde fut capturé en 1720, et condamné à la pendaison. Mais Anne et Mary plaidèrent leur ventre, c'est à dire qu'elles se prétendirent enceintes. A l'époque, on ajournait toujours l'exécution d'une future mère pour éviter de tuer son enfant en même temps. Anne n'aurait eu que cette phrase lapidaire "Si tu t'étais battu comme un homme, tu  n'aurais pas à mourir comme un chien." pour Jack. Anne et Mary s'étaient défendues seules contre les soldats du roi le jour de leur capture, les autres pirates étant ivres morts.

Mary mourut sept mois après de la fièvre jaune en prison, et Anne, toute seule, ne devait plus paraître bien dangereuse. Elle fut graciée et libérée, mais nul ne sait ce qu'il advint d'elle ensuite, en sorte que la date de sa mort est sujette à interprétation.






Alvilda du Gotland




Alvilda était une princesse (eh oui, pas incompatible) de Scandinavie , fille du roi Synardus de Gotland au Vème siècle.  Le prince Alf du Danemark parvient à vaincre les deux serpents qui gardaient sa chambre, et put prétendre à sa main. Le problème, c’est qu'Alvilda n'accepta pas un mariage arrangé et s'enfuit.

Elle sema la terreur avec son bateau pirate, vêtue d'habits masculins et à la tête d'un équipage exclusivement composé de femmes.  Le prince Alf la poursuivit et vainquit l'équipage de la princesse avec ses hommes. Impressionnée, Alvilda accepta de devenir reine du Danemark et épousa Alf.









Jeanne de Belleville





"La tigresse bretonne" née en 1300 est fille d'un seigneur de Montagu. Elle épouse Oliver IV de Clisson, mais il sera condamné à mort pour félonie après la guerre de succession  de Bretagne. Jeanne, en représailles,  attaquera les navires français avec un bateau baptisé "Ma vengeance" jusqu' à ce qu'il fasse naufrage. Elle se réfugia en Angleterre, épousa un lieutenant d'Edouard III et mourut vers 1359.








Charlotte de Berry






Née vers 1636, cette anglaise s'était elle aussi embarquée sur un navire en tant que travesti...Sauf que, capturée par des pirates, elle déclencha une mutinerie, et tua le capitaine pour prendre sa place.








Mme Ching


Ching Shih, née en 1784, fut d'abord une courtisane chinoise avant d'épouser le pirate Cheng I. Ils adoptent un garçon du nom de Chang Poa, mais Cheng I meurt en 1807. Mme Ching épouse son fils adoptif (!) pour asseoir son pouvoir: ils possédaient 400 jonques et 70 000 pirates, ce qui fait de Mme Ching le capitaine pirate avec la plus importante flotte de tous les temps.

Sur lesdits navires, le vol et le viol de prisonnières était puni de mort. En revanche, une relation consensuelle conduisait le pirate à la décapitation et la prisonnière à la noyade. On coupait les oreilles aux déserteurs.



L'empereur ne parvenait pas à mettre fin à leur exactions...et dut négocier: un tiers des hommes fut condamné, mais Ching et son mari furent graciés; Chang travailla au gouvernement, Mme Ching dirigea une maison de passe et un cercle de jeu jusqu'à sa mort en 1844.






Grace O’Malley





Gráinne Ni Mháille de son vrai nom était la fille d'un roi tribal d'Irlande, Eoghan Dubhdara Ó Mháille (au nord du pays), née en 1530.


En 1546, elle épouse le roi Donal O’Flaherty de Connacht. Leurs navires rançonnent régulièrement les bateaux qui s'approchent des côtes. Donal meurt à la guerre et Grace défend à sa place son château contre voisins irlandais et envahisseurs anglais. Au pillage des navires s'ajoute bientôt celui des autres châteaux.




En 1566, Grace se remarie puis divorce rapidement de Richard Burke dont elle voulait récupérer le château de Rockfleet.

En 1593, le frère et deux des fils de Grace sont capturés et emprisonnés en Angleterre; la reine pirate part demander leur libération à sa collègue Elizabeth Ière tout en refusant de s'incliner devant cette dernière. Elles parviennent cependant à s’entendre; Grace obtient la liberté de ses proches mais doit arrêter de soutenir les révoltes irlandaises. Jusqu'à sa mort en 1603, elle combattra plutôt les ennemis de l'Angleterre.








Anne Dieu-le-veut et Jacquotte Delahaye





Anne est une française née en 1661, et qui se retrouve déportée à Tortuga, surnommée l'île des pirates. Elle épouse le flibustier (pirate mandaté par son roi) Pierre Lelong, puis devenue rapidement veuve se remarie à  Joseph Chérel.

Mais lui aussi meurt vite, à cause dit-on du flibustier hollandais  Laurent  de Graaf , à moins que ce dernier aie juste insulté Anne. Elle le provoqua en duel, et de Graaf admiratif la demanda en mariage, ce qui fut célébré en 1693.


Anne ne se travestit jamais, mais l'équipage de de Graaf ne considéra jamais sa présence comme un porte-malheur, bien au contraire. Elle était si autoritaire qu'elle y gagna le surnom de "Dieu-le-veut".

En 1695, les anglais et espagnols attaquent Tortuga à Saint Domingue et capturent Anne et ses enfants, laquelle sera une prisonnière bien rebelle. En 1698, la France obtiendra sa libération. Après quoi elle se range, vivant en Louisiane avec son mari sans qu'on sache s'ils avaient continué la piraterie.  Anne mourra en 1710, mais sa fille deviendra à son tour une redoutable femme pirate.



Anne eut pour collègue Jacquotte Delahaye, née de père français et de mère haïtienne. Orpheline, elle se mit à la piraterie pour subvenir au besoin de son frère mentalement malade; puis, recherchée, elle fit semblant d'être morte. Puis vécut travestie et sous un nom d'homme avant de faire son retour, ce qui lui valut le surnom de "back from the dead red" (la rouge ressuscitée) en raison de sa chevelure flamboyante.


Sayyida al-Hurra




On ignore son vrai nom; son surnom veut dire "Noble dame libre".  Elle naît en 1485 au Royaume de Grenade d'une famille noble et influente, mais doit le quitter lors de la Reconquista de 1492.

Exilée au Maroc, Sayyida est d'abord mariée au gouverneur de Tétouan qu'elle remplace dans ses fonctions à sa mort en 1515. Puis, elle épouse le roi du Maroc. Autrement dit: comme Alvilda et Grace O'Malley, Sayyida était une reine pirate. Elle pillait régulièrement les navires européens afin de venger la perte du royaume de Grenade.




Les européens se devaient de respecter son statut de chef d'état et c'est pourquoi les demandes de libération des prisonniers qu'elle faisait avaient lieu atour de la table des négociations.




Elle ne cessa pas tout ce temps d'être gouverneur de Tétouan, mais son beau-fils prit sa place en 1542. Comme Anne Bonney, Sayyida disparut ensuite totalement de la circulation.











Voilà pour les personnages historiques, mais n'oublions pas non plus la capitaine Morgan Adams dans le film L'ïle aux pirates, film qui fut un énorme flop en 1995 et coula sa boîte de production.



Bizarre, car je le trouve plutôt réussi, mais hélas, cela a probablement convaincu que les femmes pirates ce n'était pas vendeur...




 Heureusement depuis on a aussi vu Elizabeth Swan, Anna-Maria et Angelica dans la saga Pirates des Caraïbes depuis, ou Zarina la fée pirate dans le film du même nom.










Sans oublier la  version S.F. qu'est Emeralda dans l'univers d'Albator!







Le thème du pirate au féminin n'est pas rare dans l'art, mais je déplore les clichés systématiques associés à celle-ci à commencer par l'hypersexualisation. Taper la requête sur un moteur de recherche d'images fera surgir des femmes au décolleté pigeonnant et aux positions séductrices, serrées dans un corset.









Des images qui sont des tableaux, ou des photos de costumes de carnaval; ceux destinés aux fillettes ne sont hélas pas épargnés.



Tout comme les représentations de pirates historiques citées plus haut- Anne Bonney et Mary Read et leurs vêtements masculins doivent se retourner dans leurs tombes...Une capitaine pirate dépassée par son équipage à la première mutinerie semble un fantasme commun, mais dans les faits, ces dames (en tout cas celles citées plus haut) n'auraient pas hésité à faire usage de leur tromblon dans le premier rebelle de l'équipage, précisément afin de se faire respecter.



Autre cliché, le fait qu'on présume systématiquement qu'elles devaient leur entrée dans le métier en général et le poste de capitaine en particulier à un homme: leur mari (Anne Bonney, Anne Dieu-le-veut)  ou leur père (Morgan Adams, Angelica). En réalité certaines le firent toutes seules: Jeanne de Belleville, Sayyida al-Hurra, et surtout Charlotte de Berry qui conquit le titre de capitaine d'elle-même.


Bon vent, naufrageurs...et siresses!

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