lundi 24 août 2015

La Boîte à outils de l'écrivain: Mary Sue, catégories


















                                                                  (version vidéo de cet article)

Comment donc, des complications? Et oui: à la lumière de l'article précédent, on dirait que Mary Sue est systématiquement une merveille aux cheveux multicolores aimée de tous, qui sait tout faire et qui a tout, baptisée comme son auteur. C'est en fait plus complexe: elle peut aussi être une impératrice maléfique et sadique, ou un Gary Stu taillé comme une armoire, taciturne et brutal!




Mary Sue a des apparences très diverses, parce qu'elle a des rayons d'action spécialisés. Même si, nous le verrons, certaines cumulent ces fonctions (c'est d'ailleurs à cela qu'on reconnaît les Mary Sue diplômées...).






La Sue classique





C'est celle qui ressemble à la première sorte de personnage évoqué plus haut, et qui est bien Miss Perfection. Entendez qu'elle est très belle, avec des cheveux et des yeux kaléidoscopiques, que son nom est long, son passé est difficile, mais elle sait tout faire et est très riche.

C'est l'élève la plus populaire et la meilleure de l'école, son petit ami fait baver tout le monde, ceux qui ne l'aiment pas sont jaloux et/ou méchants, elle gagne tout (des duels aux concours), réussit tout ce qu'elle entreprend et c'est un génie. Elle a d'étonnants animaux de compagnie. Tout le monde l'aime et tous les garçons sont amoureux d'elle, mais Mary Sue  ne sort qu'avec le plus extraordinaire.

 Si par hasard elle avait un copain avant, c'est qu'il est mort, ou quelque chose comme cela, car personne ne quitte la Sue. Et bien sûr, elle est abondamment décrite. Cette parfaite créature convertit au bien les pires méchants en un tournemain, et ne saurait vieillir. Donc, si elle meurt jeune à la fin, ce sera un sacrifice héroïque qui fera pleurer tout le monde. Après quoi elle pourra toujours ressusciter.


C'est en lisant ce genre de description dès la première page, que beaucoup de lecteurs avertis ferment la page de la fanfic qu'ils lisaient, aujourd'hui. Mais dans les œuvres officielles, les auteurs, sciemment ou pas, éviteront de donner tous ces détails d'entrée de jeu: ils apparaitront au fur et à mesure en sorte que l'intéressée se révélera avoir été "suesque depuis le début."

Exemple en version Gary Stu.



La Sue Self-Insert ou Sue Avatar



Elle aussi est très commune, et interfère souvent avec la précédente. Un auteur peut avoir son propre avatar pour protagoniste principal; rien de grave tant que ce personnage a les mêmes limites que lui/elle. Mais, dès le début, ou à partir d'un certain point (par un make-over, ou par magie...) cet avatar devient une Sue? Là est le problème. La Self-insert est souvent utilisée dans les fanfics pour "sauver" l'univers concerné à la place du vrai héros ou avoir une histoire d'amour avec un personnage sur lequel le créateur fantasme. A moins, dans une histoire originale, d'écrire une fantaisie centrée autour d'un soi idéalisé.

Cette Sue a les convictions, goûts, loisirs de son auteur-ou bien ils sont plus raffinés. Les noms sont identiques, ou se ressemblent, ou est celui que le créateur aurait voulu porter.  La nationalité et l'âge sont aussi souvent les mêmes. Il y  aussi une ressemblance physique jusqu'à un certain point-c'est à dire qu'une auteur d'aspect banal, brune aux yeux marrons, décrira une Mary Sue "aux cheveux havane aux reflets mordorés", aux yeux "bruns ambrés pailletés de noisette", le tout en étant d'une beauté éblouissante, bien sûr. Se retrouver ainsi mêlé au procédé cathartique  d'un auteur est intrusif pour le lecteur, et peu sont ceux qui désirent connaître les fantasmes d'un inconnu concernant l'oeuvre d'origine.


La Sue pure





Interfère souvent avec les précédentes. Celle-ci est la pureté et la grâce incarnée: elle est toujours gentille et innocente. Personne ne pourra jamais la corrompre, peu importe la méthode utilisée. Pas de sexe hors mariage chez elle, étant pure de cœur, de corps et d'esprit, et c'est bien sûr souvent une grande naïve. Cette Sue est polie, timide, et s'exprime d'une douce voix de madone, sans jamais se fâcher. Une voix qui quand elle chante, est envoûtante. Pour se détendre, elle distribue la soupe aux lépreux daltoniens et sourds-muets. Elle est spontanément adorée des enfants et des petits animaux mignons qui paraissent la comprendre, les papillons la suivent, elle éternue des paillettes...Si elle meurt ce sera aussi lacrymal que plus haut, mais attendez-vous à la revoir en tant qu'ange.


Elle n'a jamais de baisse de régime ou de tension, toujours tout sourire quoi qu'il arrive. Bref, au point que ce n'est pas humain. L'idée d'un auteur créant un tel protagoniste, et que le lecteur adorera un personnage si gentil puisque la bonté est la qualité valorisée dans notre société. En réalité, la réaction sera inverse, car tant de perfection est horripilant, tendant un miroir au lectorat :"Regardez, tout ce chemin qui vous reste à accomplir pour être aussi pur."



L'Angsty Sue-Sue désagréable

L'Angsty à droite, opposée à la Pure, à gauche.


Ou "Sue angoissée", et en anglais "Jerk Sue", ici jumelées car elles ont tendance à être souvent les mêmes. Et sont l'opposé polaire de la précédente, leurs créateurs comptant plutôt ici sur "Tout le monde aime les mauvais garçons" (ou filles si c'est une Mary Sue et non un Gary Stu).

Conséquemment attendez vous  à la voir plutôt avec des habits sombres, et parfois même sexy, le tout en étant ténébreuse et mystérieuse.



L'Angsty  Sue a eu le fameux passé horrible, mais chez elle, ce n'est pas les zéro séquelles de la pure Sue. Non: au contraire, elle remâche, rabâche, a un ardent désir de vengeance, est tourmentée de cauchemars et de crises de panique, se plaint sans cesse, et affirme que personne ne peut la comprendre, n'étant pas passé par les mêmes épreuves. Elle rendrait jaloux les ados émos. Et puis bien sûr c'est une grosse rebelle.

Comme la Sue désagréable, mais avec aucune conséquences: peu importe le nombre de fois où Mary Sue Désagréable sera directe et impertinente, ce ne sera pas de  punition de la part de ses parents, de l'administration scolaire ou de ses supérieurs. Toujours le sarcasme et le mot désobligeant à la bouche, elle grogne régulièrement ne pas avoir besoin d'amis, mais une ribambelle la suit en permanence malgré son absence de mérite en la matière. Pire, encore une fois, elle sortira avec tous les garçons qu'elle croise bien qu'elles les aie tous traités d'abrutis, donné un coup de pied dans les parties intimes et mis le feu à leur moto à leur première rencontre.

De telles Sue furent d'abord crées en réaction aux précédentes, mais leur fraîcheur s'est vite étiolée. Des exemples? Oui, dans le cas où ça se croise avec les "Sue possédées" (voir plus bas). C'est à dire, Wolverine et Batman mal écrits par des auteurs paradoxalement éperdus d'admiration.

Me croirez-vous si je vous dis que Wolvie ne faisait pas partie de l'équipe originelle des X-men et ne les a rejoints que dix ans plus tard? En fait, c'était primitivement un méchant dans Hulk!  Pire, il était très petit, ne se lavait jamais (aucune ambiguïté sur le fait qu'il puait) et était déjà foncièrement grincheux, violent et sarcastique.

Mais cela ne devait nullement l'empêcher de devenir très populaire, entraînant  au fil des ans la "publicité Wolverine" : c'est à dire le rendre omniprésent (au fait, le chef des X-Men, c'est Cyclope, vous vous en rappeliez au moins?), y compris sur la couvertures de comics où il n'apparaissait en fait pas à l'intérieur.



Au cinéma, les amateurs du genre furent surpris de le voir embelli par l'interprétation de Hugh Jackman qui mesure 1 m 88.



En fait, à un moment on pouvait, comme disait Linksthesun, réduire les films X-men à "Mon Dieu  Hugh Jackman est si beau et si viril", se retrouvant toujours au centre de tous les scénarios. Dans Days of the future past, Wolverine est celui qui voyage dans le temps, alors que dans le comics d'origine c'est Kitty Pride qui retournait dans le passé.


 Enfin, si sale et grognon soit-il, Wolverine séduit vite car il est sorti avec la quasi intégralité du (superbe) casting féminin d'X-men.

A commencer par les femmes déjà mariées.
                         





Pareillement, la tentation peut être grande de transformer Batman en Angsty Stu en raison du trauma original d'être orphelin.


 Pis, c'est parfois même un Stu désagréable qui envoie paître à même titre ses acolytes et collègues de la Ligue des Justiciers, et ses copines d'ailleurs, et  cela n'empêche nullement que tout le monde le suit et qu'il sort avec tout ce qui bouge.






Mais qu'importe: il fait ce qu'il veut et réussit tout, sans conséquences. On peut même parfois lui faire laisser ses règles de "Je ne tue pas" et ses capacités de détective au vestiaires, en faire une brute épaisse qui dégomme les méchants au lance-flammes ou au tank, et passe son temps à taper, y compris sur Superman qu'il défait tout seul avec une main dans le dos en dépit de son absence de pouvoirs.



Pas étonnant que cette version de Batman aie fini sur le wiki des méchants!



La Villain Sue, ou Sue méchante






A le même caractère et comportement que la précédente, mais est vraiment méchante au sens où on l'entend habituellement. Il est rare que l'auteur d'une histoire originale parte avec l'idée de favoriser son méchant; ce qui arrive en général c'est que ce vilain finit par le ou la séduire-plus que le héros. 

Mais la Sue méchante est plutôt l’œuvre d'un fanboy, habituellement. Qui, en lisant l'histoire d'origine, trouve le méchant sexy (il faut avouer que ce n'est pas rare), le prend en pitié en raison d'un passé difficile (qui explique son attitude présente bien souvent),  ou bien le juge plus intéressant que le héros (il faut admettre que ce sont aussi des choses qui arrivent). 



Si c'est un créateur de fanfic, ou bien un scénariste  amené à adapter l'histoire originelle (souvent au cinéma), on entendra bientôt parler de sa vision des choses. Et voilà comment le méchant, considérablement embelli, pourra posséder les dons et les armes les plus invraisemblables, ne jamais mourir  et s'en tirer sans jamais être pris- au point qu'on se demande comment ses ennemis sont encore vivants. Ou bien (ou en plus!) il sera présenté comme la victime du héros.

Le changement de perspective peut nous montrer toutes ses actions sous un jour nouveau qui le rendra innocent.

L'ultime preuve de la Villain Sue, est le retournement de veste: quand elle finit par rejoindre le camp du bien. Mais attention, nullement en tant que pénitente: au contraire, elle est complètement pardonnée et parfaitement intégrée, le tout très vite et y compris si elle avait massacré toute la famille de ses nouveaux compagnons en les obligeant à regarder.



Quelqu'un ose encore lui garder rancune? Il sera renvoyé/emprisonné/tué dans d'atroces souffrances: personne n'a le droit d'en vouloir à Villain Sue. Elle n'a pas non plus rejoint les gentils pour récurer leurs toilettes: sa nouvelle position est forcément très importante quand ce n'est pas carrément le nouveau chef.  Les autres héros seront alors à peine mieux traités que ses anciens sous-fifres. Qu'on se rappelle sur ce point l'absurde époque où le Bouffon Vert se trouvait à la tête du SHIELD à la place de Nick Fury.

Et dans un costume combinant ceux d' Iron Man et Captain America en prime.


Autre point, Méchante Sue trouve aussi souvent un nouveau petit ami parmi les héros...indépendamment du fait qu'il était déjà pris, si l'occasion se présente.   Et pour finir, elle ne paiera jamais sa dette envers la société: pour elle, pas de prison ou de travail d'intérêt général, et Méchante Sue n'aura pratiquement pas à présenter d'excuses. Non, c'est directement qu'on lui offrira de grandes responsabilités, estimant cela suffisant pour sa réhabilitation y compris si elle s'est rendue coupable de guerres et de génocides.



Dans la catégorie "perspective biaisée" on se souviendra de l'histoire révisée de la sorcière de l'ouest (Le magicien d'Oz) selon le roman et la comédie musicale Wicked, et de Maléfique dans le film éponyme.




                                 








Elphaba (la sorcière de l'ouest ), sa sœur Nessarose et Maléfique sont présentées comme les vraies gentilles de l'histoire, tandis que les méchants sont à présent respectivement le magicien d'Oz et le père d'Aurore.





















Cette dernière, à la fin du film, affirme que l'histoire que nous connaissons aurait été racontée de façon subjective, faisant passer la pauvre Maléfique pour une coupable. En outre, des personnages bons et adversaires de ces sorcières dans l’histoire d'origine, comme Glinda et les trois fées marraines, sont aussi révisées. Elles sont, sinon superficielles, stupides et incompétentes dorénavant, pour mettre les méchantes/héroïnes en valeur.






















Lesquelles ont considérablement embelli; Elphaba, avec le visage et la voix de sirène d'Idina Menzel, n'avait plus rien à voir avec l'original.
















Dans la catégorie "a rejoint les héros", il y a le traitement habituel de Drago Malefoy dans les Potterfictions, ou fanfics Harry Potter, qui devient ami avec Harry ou/et sort avec Hermione. Ce personnage a beaucoup de fangirls, qui le perçoivent toujours meilleur qu'il n'est, on appelle ce phénomène :" Drago en pantalons de cuir".

Et dans le canon, ça existe aussi, hélas. Par exemple, le capitaine Crochet selon Once Upon a time, joué par un beau gosse, gentil et sortant avec l'héroïne est à mille lieues de celui censé l'avoir inspiré, Crochet version Disney...




Et ce n'est pas tout!  En 1980, soit vingt ans après que les X-Men aient commencé, Emma Frost fit ses débuts en tant que méchante du club Hellfire, où elle torturait Storm.



Mais après 14 ans de méchancetés, elle rejoignit les X-Men. Emma eut des relations par paquets (Namor, Iron Man) mais décida d'avoir Scott Summers/Cyclope bien que déjà marié à Jean Grey qu'il fréquentait depuis 40 ans. Et Emma d'user de ses talents télépathiques pour violer mentalement (je sais, dur à se représenter) Scott. Mauvaise idée d'en commencer par là, pourtant.  Jean, elle, tombe dans la bonté excessive envers sa rivale, la ressuscita quand elle fut réduite au niveau moléculaire, puis sur son lit de mort donne sa bénédiction et use ses propres talents mentaux pour que Scott accepte une relation avec Emma Frost.

 Enfin, ils "devaient" sortir ensemble pour éviter la fin du monde (!) et s'embrasseront  sur la tombe de Jean enterrée la veille. La mort, ça la connait pourtant, ayant ressuscité 5 fois grâce à ses pouvoirs de Phénix, mais là pour faire de la place Jean restera morte. Et donc Emma la remplacera en tant que directrice de l'institut Xavier et dans le lit de Cyclope. C'est tout, oui?


Copinant avec Namor, Loki, Le Bouffon Vert et Docteur Fatalis tout en étant censée être une X-Men? Mais oui.

Non: Emma trompera Scott (notamment avec Namor) et frayera avec les méchants de la Cabale sans être rejetée pour autant,  et seule  Hope Summers, petit-fille de Cyclope venue du futur, osera lui reprocher sa promiscuité sexuelle juste pour se voir gifler violemment et insulter ("de "misérable bâtarde") par Emma-sans que son papy ne lève le petit doigt pour l'aider.



Bref Emma Frost a été réécrite par ses auteurs fanboys, manifestement.  On peut s'interroger sur le bien fondé de prendre ainsi la place de Jean, qui forme toujours un couple  aussi iconique avec Cyclope quand ils montaient à l'assaut main dans la main.



(Edit: et encore quand j'ai écrit ça j'ignorais qu'en prime Emma était supra intelligente, très riche, et très puissante depuis sa possession par la force Phoenix qui lui a donné les pouvoirs supplémentaires de pyromanie, télékinésie et invulnérabilité. Bref ne lui manque plus que le changement de nom, à ce stade).

Il y  aussi le cas où un méchant reste lui-même, mais est aussi apprécié pour ce qu'il est et réécrit à son avantage. Le Joker de Batman a ses propres fans, y compris chez les scénaristes.


 Il en résulte le fait qu'une belle femme, Harley Quinn, lui soit si dévouée depuis vingt ans et qui  ne s'explique guère. En outre, comme Wolverine, depuis les années 2000 il tend à être interprété par des acteurs notoirement "beaux gosses", sous leur épais maquillage et fausses cicatrices.



Le tout alors qu'à l'inverse des autres "Batvillains" il n'a ni but ni excuse puisque son passé est inconnu...Mais le mode Villain Sue a déjà était atteint, pour commencer de manière parodique,  dans le comics Empereur Joker, adapté dans un épisode de la série Batman l'alliance des héros. Dans les deux cas il héritait des pouvoirs cosmiques phénoménaux de lutins de la cinquième dimension (Mr Myxlplyx ou Bat-mite), avec tous les usages terrifiants qu'on imagine...



Mais provisoirement, donc il n'y a pas grand mal.  Par contre, qu'il soit toujours en vie malgré des crimes toujours plus odieux se comprend de moins en moins. Le Joker a en effet réchappé a  un nombre incommensurables de chutes mortelles.



Là où cela ne va pas, c'est quand il a été tenté d'expliquer ce détail par le fait qu'il serait...immortel.  Alors déjà, quand on explique un mystère,  il n'y a plus de mystère.

ou plus de blague, c'est lui-même qui le dit.



Secondement, où est on, dans Batman ou dans Highlander? Bref, le méchant réécrit pour être plus fort, ou en réalité plus gentil, que son ennemi? C'est la méchante Sue.




La Sue Possédée






Évoquée précédemment: Il s'agit, à l'origine, d'un personnage canon, c'est à dire faisant partie de l'histoire de base, et qui n'est pas une Mary Sue. Jusqu'à ce qu'un auteur de fanfic réécrive cette histoire à sa manière, ou qu'un scénariste adapte le récit dans un nouveau comics/série/film, etc. Et là, pour de multiples raisons, ce personnage devient une Sue.


Pourquoi? D'abord, l'identification. Parce qu'un personnage est perçu comme un avatar par le lecteur ou spectateur , celui-ci  n'éprouve pas le besoin de se créer un double fictionnel: ce personnage l'est déjà pour lui ou elle. Plus simplement, il peut s'agir de son personnage favori auquel elle ou il souhaite le meilleur.  Et quand ce lecteur devient scénariste, censément sa vision des choses fait surface.



D'abord, les caractéristiques  du personnage concerné changent quelque peu à commencer par son physique. Pendant le hiatus entre la publication des tomes quatre et cinq d'Harry Potter, un type de fanfic incroyablement commun s'est répandu. Il consistait à évoquer le retour à l'école d'Hermione Granger après des vacances d'été durant lesquelles grâce à la puberté et à un make-over conjugués c'est devenu une beauté, au point d'en être méconnaissable. Tartinée de maquillage, parfois vêtue à la mode malgré le port de l'uniforme, Malefoy-ou Harry-ne voient pas qui est cette jolie "nouvelle" jusqu'à la remettre. Et une histoire d'amour commençait avec une Hermione devenue parfaite sur le plan caractériel aussi.

 A la décharge des auteurs en herbe, ceux des films ont aussi considérablement  embelli cette héroïne!



Toujours dans l'univers de la Potterfiction, le professeur Rogue se verra étonnamment traité de la même façon. Lui aussi embellit beaucoup sous la plume de certaines fangirls, il sort souvent avec l'avatar de ces dernières, quand il ne conclut pas avec Lily Potter, se révélant être le vrai père d'Harry. Dans ces cas-là, plus question de ses cheveux gras, de son nez crochu et de son racisme envers les "sang-de-bourbe."




Les œuvres canon n'en sont pas à l'abri comme on a pu le voir dans les exemples précédents. La sorcière de l'ouest, Emma Frost, Maléfique, Batman, Wolverine ou le Joker sont des personnages qui existent depuis 100 à 30 ans selon les cas, et sous de multiples supports (ce qu'on appelle une franchise) avec des dizaines d'auteurs qui ne sont plus les originaux depuis longtemps. Parmi eux, des fans qui les " possèdent" et les réécrivent de manière à les mettre en valeur, à leurs yeux.



Outre les détails évoqués à Angsty et Méchante Sue, par exemple cela consiste, comme vu plus haut avec les trois fées dans Maléfique, à faire paraître plus mauvais qu'ils ne sont réellement les autres personnages. Ainsi, la réécriture "Gary Stu" de Batman montre souvent ce dernier entouré des membres de la Ligue des Justiciers qui sont autant de guignols incompétents, histoire de le valoriser par contraste.













                                   (Gary Stu Batman étant merveilleusement parodié dans ce clip)




La Sue Relationnelle




Attention, poids lourd: ce type est extraordinairement commun, à commencer dans les fanfics et adaptations. Ça consiste à introduire un nouveau personnage dont il est présenté sans ambiguïté qu'elle est amoureuse d'un protagoniste important, et l'est très vite lui aussi: cet archétype à été évoqué à la caractéristique "Aimez-moi" de l'article précédent.


Un double de l'auteur, belle à faire peur, attire immédiatement l'attention du protagoniste sur lequel le créateur fantasme dans la vraie vie. Des personnages célibataires endurcis comme Legolas (Le seigneur des anneaux), ou Sirius Black  (Harry Potter) ont ainsi fréquemment eu une petit amie personnage original dans le présent ou le passé, et dans les fanfics.




Autrement, l' éventu(elle) conjoint(e) canon du personnage s'efface, par exemple comme Jean Grey selon ce qu'on a vu dans Méchante Sue.

La Sue relationnelle et sa cible se marieront et auront quarante enfants, même si on ne sait pas ce qu'ils se trouvent. L'auteur trouve que c'est le summum du romantique, mais ses lecteurs eux auront la sensation d'une relation malsaine, précipitée et que rien ne justifie.



En effet, ils sont ensemble "parce que", il le faut, point barre. Du style sinon l'univers s'écroule, mais  dans le cas d'Emma Frost et Cyclope, on cherche encore ce que ce mélange de viol, manipulation mentale et contrainte apocalyptique avait de si romantique.



Avec la Sue relationnelle,  pas de "fil rouge" visible , c'est à dire ces signaux subtils que les personnages ont une alchimie (selon la tradition extrême orientale qui veut que deux âmes sœurs ont un fil rouge invisible qui les relie).



En fait, ce fil  étrangle les intéressés! L'attirance est immédiate, et ils échangent trois phrases banales avant de sortir ensemble: pas de phase de séduction, de chauffe,  de découverte de l'autre, de resto, de ciné. Et pas non plus question de se tenir gentiment par la main: c'est directement et tout le temps en train s'embrasser à pleine bouche quand ce n'est pas plus encore...Pour un peu on oublierait que l'histoire originale avait d'autres enjeux.  Et pendant ce temps-là tout  le reste du  casting , y compris parfois l'ex-conjoint, trouve que c'est un beau couple et les pousse l'un vers l'autre.


Une Mary Sue relationnelle n'a qu'un but, qu' une utilité,  ne tend qu'à une chose: être avec celui qu'elle convoite, c'est son unique sujet de conversation et elle y consacre  toute son énergie. A part ça, il se peut qu' on ne sache rien de son passé, ses loisirs, sa personnalité profonde...

Une autre variante connue consiste , pour  certains lecteurs ou spectateurs, à vouloir voir deux personnages former un couple même s'ils n'éprouvent aucune attirance dans le canon. Donc, dans une fanfic ou une adaptation, l'un des deux personnages, voire les deux,  deviendront vite d'infernales Sues relationnelles. On a déjà vu comment, en étant aussi une Sue possédée, Emma Frost était devenue de la sorte.

Dans la fanfic, le webcomics How I became yours avait déjà été évoqué dans l'article précédent. Il fut controversé entre autres en raison de vols de dessins.


 Mais aussi en raison de la caractérisation. Au lieu des couples officiels Katara/Aang et Mai/Zuko, l'auteur , Jackie Diaz, souhaitait voir Katara/Zuko. Subséquemment, Mai devint méchante et Katara sa meurtrière. Et pour "libérer" cette dernière, Aang se mit en couple avec le personnage de Toph, qui devint habillée de manière élégante, et fleur bleue de caractère, évoquant tout le temps Aang en rougissant.




Problème, la vraie Toph est rude, grossière, habillée avec un sac et ne saurait être plus éloignée du romantisme, puisque la série suivante révèle qu'elle a eu ses deux filles d' aventures sans lendemain. Bref un vrai personnage victime de révisionnisme à ce point, ça s' appelle un personnage qui déraille.  



Et dans les histoires originales? Il existe une variante où l'auteur se crée  un double qui n'est pas une Mary sue, mais un avatar "simple" qui ressemble à l'auteur de façon non idéalisée, avec ses qualités et ses défauts. Vient le jour où le créateur décide de caser son alter ego.

 Soit il a déjà un conjoint et créé son avatar qui se révèle être une Mary Sue puisque représentée de la façon idéalisée dont son conjoint la voit ( mais pas comme tous les autres la perçoivent.)

Soit l'auteur est célibataire et crée donc son conjoint idéal et le résultat, s'il n' est pas modeste, est une Sue à l'apparence et aux capacités grotesquement inhumaines. Ajoutez-y un certain degré de frustration et l'histoire pourra avoir une situation aussi ubuesque qu'une femme superbe folle (sans philtre d'amour s'entend) d'un homme banal et peu gracieux qui se permettra en prime de d'abord lui tenir la dragée haute!






La Sue copieuse










Ou Sue Clonée, ou Copycat Sue en anglais. Prenez un personnage connu comme Naruto, Harry Potter, ou Sailor Moon. De façon caractéristique dans les fanfics, ils s'aperçoivent brusquement qu'ils ont un clone, ou une sœur jumelle dont on les a séparés à la naissance, ou qu'une Sailor Sun existe.








Le "clone" ressemble étrangement plus à son auteur qu'à Naruto, ce qui ne l'empêche pas d'avoir lui aussi un renard à neuf queues scellé dans le nombril. La sœur Potter a exactement la même cicatrice en éclair sur le front, et c'est elle que la prophétie de destruction de Voldemort désigne vraiment. La Sailor Sun n'a pas que des dons solaires, elle a aussi tous les pouvoirs planétaires que les sailors ont individuellement (petites joueuses) et c'est l'impératrice de la Voie Lactée.



La Sue Copieuse peut ne pas seulement ressembler à un seul personnage mais être un amalgame de tous les personnages  principaux: Par exemple, dans Stars Wars, être à la fois un jedi comme Luke, un contrebandier comme Han Solo et une princesse comme Leia. Bien que non obligatoire, être parent ou  clone avec le héros est fréquent.


 Cette Sue ne se contente pas d'avoir les mêmes caractéristiques "uniques" qu'un personnage principal, elle est meilleure que lui, sait mieux utiliser son pouvoir, est la vraie élue. En fait, elle l'évince plus ou moins discrètement (il meurt, ou on en entend plus parler inexplicablement) et son histoire devient celle de la Sue...

Un personnage qui ressemble à un autre n'est pas forcément une mauvaise chose; aujourd'hui, plus personne n'en veut à Supergirl ou Mary Marvel d'avoir débarqué comme des cheveux sur la soupe.



 En fait, entre éditeurs rivaux, les personnages qui se ressemblent étrangement ne sont pas rares. Dans les récits fleuves comme les comics ou les séries télé, des substituts semblables apparaissent parfois pour remplacer un personnage dont les droits se sont perdus mais il est rare qu'il soit bien accueilli, et pour cause!

La raison est simple: rien ne vaut l'original. Ça n'intéresse personne de suivre à la place les aventures d'un personnage amalgame du héros d'origine et du double rêvé d'un auteur anonyme. Le taux d'irritation est encore plus élevé quand ladite Sue fait tout en mieux et phagocyte l'histoire, elle interfère alors avec la Sue Trou Noir (voir plus bas).



 La Sue Divine



Elle sévit surtout dans les univers fantastiques. Les sorcières existent? Bien! C'est la plus puissante au monde. C'est une super héroïne? Elle mettrait la misère à Galactus. C'est un chevalier du zodiaque? Elle est en or 24 carat et a défait Hadès,Arès et Vishnu réunis sans armes et sans pantalon. C'est un Power Ranger? Elle réunit tous les pouvoirs de ses compagnons et défait Godzilla en lui soufflant dessus. C'est une super-sayen? Elle a fait implorer grâce à Buu, les mains attachées derrière le dos et les yeux bandés.




En un mot comme en cent, cette Sue tient plus du dieu que de l'humain. Sa puissance magique est incommensurable au point qu'elle pourrait détruire une planète d'un geste du petit doigt.  Est-il bien nécessaire d'expliquer en quoi un personnage sans limites ni faiblesses est si ennuyeux?





Dans les fanfics, cette Sue est plus forte que le héros et donc sauve le monde à sa place. Et dans les histoires originales, celle-ci se termine trop vite puisque rien ne résiste à une Sue divine.  Pas d'obstacles, pas de dangers, pas de réel challenge...Ces Sue sont à bâiller d'ennui, expliquant pourquoi les personnages divinement doués ne font habituellement pas long feu.




La Sue Trou Noir









Elle fait pencher l'Univers en sa faveur et redéfinit toutes ses règles pour lui faire place,  à croire que les lois élémentaires de la physique ne s’appliquent pas à elle.

Cette Sue peut être le protagoniste principal, et le côté trou noir s'exprime par le fait qu'elle devient le principal centre d'intérêt de l'existence de tous ceux qu'elle croise (ceux qui n'en sont pas amoureux travaillent à faire son bonheur, les méchants sont obsédés par l'idée de faire mieux qu'elle), le tout sans mérite apparent.

Une Sue personnage secondaire, surtout si elle débarque brusquement, est pire encore sur ce point: non seulement c'est la même chose que plus haut, mais en prime, l'histoire change pour devenir la sienne. Elle provoque les rebondissements de celle -ci , ce qui peut parfois se justifier si cette Sue est aussi la méchante (elle agit, les héros réagissent). Mais ça n'explique pas pourquoi  le monde semble se plier à sa volonté.

Vite omniprésente et donc envahissante, Sue Trou Noir est au centre de chaque intrigue d'un univers où elle vient pourtant d'arriver, et a un lien avec tout le monde (la demi-sœur disparue d'X, l'amie d'enfance d'Y, la nouvelle petite amie de Z et la nouvelle chef de classe ou de service).

Dans le cadre de la fanfic, quel intérêt y a -t-il  a voir un personnage inconnu débarquer et prendre la place du héros original? Dans les récits originaux, son omniprésence et sa perfection qui réduisent les autres protagonistes à être ses acolytes incompétents rendront très vite une telle Sue impopulaire.



La Sue Parodique







Un peu de légèreté pour terminer. Le caractère grotesque de la Sue n'échappe pas à bien des écrivains, et qui se moquent volontiers de cet archétype en introduisant un personnage en mode divin, mais qui n'impressionne personne. (Car d’habitude Mary Sue se prend très au sérieux, c'est une caractéristique constante)

Souvenez-vous, celle qui a lancé le nom (dans A trekkie's tale), relevait de cette catégorie.



Depuis, Mr. Hercule dans Dragon Ball Z a ridiculisé l'archétype du héros surpuissant, et Lobo celui de l'anti-héros ultraviolent et sombre des années 1990.







Squirell Girl chez Marvel a défait Thanos et Docteur Fatalis bien que son pouvoir soit de parler aux écureuils, riant de l'archétype du mode divin.



Austin Powers a l'immortalité et le succès auprès des femmes d'un James Bond, bien que son apparence ne l'explique absolument pas.



L'épisode de Buffy contre les vampires  "Superstar"  tournait autour du problème de la Sue Trou noir par le bais du personnage ultrasecondaire (jusqu'alors) de Jonathan.



Idem dans l'épisode des Simpsons à propos de Poochie, le chien introduit dans la série animée d'Itchy et Scratchy; son premier épisode parle avant tout de lui et non plus d'Itchy et Scratchy en train de s'écharper tandis que l'intrigue impliquant une usine de feux d'artifices est promptement oubliée.



Un épisode de Code Lyoko jouait avec le concept de la Sue relationnelle avec le personnage de  Brynja Heringsdötir qui débarque brusquement et attire l'attention de tout le casting masculin qui veut sortir avec elle...Jusqu'à la fin, où ils réalisent qu'elle est trop superficielle; parodiant par là une vraie tendance des fanfics Code Lyoko où une nouvelle élève se révélait vite être une Sue relationnelle.



L'extraterrestre gazeux Melllvar, dans l'épisode de Futurama "Là où aucun fan n'est jamais allé", kidnappe les acteurs de Star Trek et leur fait tourner son scénario où sans surprise, il tient le premier rôle. (donc parodiant la Self-Insert Sue)





Enfin, dans Ever After High, le personnage d' Apple White se moque de la Sue Pure car elle est parfaite, a l'attention de tous les garçons, attire les oiseaux en chantant...sauf qu'elle ne porte pas ses lunettes par coquetterie, est une égoïste qui voudrait voir sa camarade Raven Queen accepter son destin de vilaine reine et n'est même pas l'héroïne puisque Raven l'est.











Une Mary Sue se contente rarement de ne correspondre  qu'à une seule catégorie, souvent, elle cumule. Des exemples concrets de Sue?


Ils viennent , car oui, les œuvres canon en débordent, la suite bientôt...


                       








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