jeudi 5 juillet 2018

Légendes urbaines: Le baby-sitting


-Introduction aux légendes urbaines
-Légende du chien aux micro- ondes
-Légende de l'alligator dans les égouts
-Légendes de baby-sitting







Le baby-sitting en général, car bon nombre de légendes connues tournent autour du métier. Le plus souvent, elles prennent le point de vue de la baby-sitter (ce sont presque toujours des femmes dans les légendes) . Ça a quelque chose d'inquiétant, en effet, d'être une adolescente  seule dans une maison inconnue, avec des enfants encore plus jeunes. Qui peut vous défendre , en cas d'attaque?




La crainte est partagée par les parents et les jeunes gens en âge de baby-sitter. Ça explique la popularité de ces histoires, qui ont circulé parmi les étudiants et les lycéens. Mais pas seulement: parmi les parents , on a beaucoup raconté la dernière histoire, qui elle, est surtout dangereuse pour l'enfant. Le baby-sitting,  qu'est- ce sinon une relation de grande confiance, puisqu'il s'agit de donner la garde de son rejeton à une personne relativement inconnue. Et si ça se passait mal, sans parler du fait de culpabiliser les parents, et les mères en particulier? (D'où croyez-vous que vient le point de départ du film Halloween?)


Légende 01: Les appels de l'intérieur



Très célèbre, cette légende a inspiré le film Terreur sur la ligne et très probablement aussi la scène d'ouverture du film Scream en dépit de l’absence d'enfants  à garder. Elle  doit remonter au temps des lignes secondaires de téléphone (années 1970).



 Voici comment se déroule la version la plus connue (vue dans la BD Les véritables légendes urbaines):

Une baby -sitter arrive à son travail, le soir, alors que les parents sont sur le point de partir, et ont déjà couché leurs deux enfants, à l'étage.

Les parents partent en précisant que la jeune fille est autorisée à regarder la télé mais elle n'en a pas l'intention: ses examens approchent et elle a besoin de réviser au calme. L'étudiante s’installe au salon avec ses livres et après un quart d'heure, le téléphone fixe sonne, affichant un numéro masqué.



Elle décroche et entend :

-Es-tu montée voir les enfants?

La baby-sitter répond sèchement qu'elle n'a pas le temps pour les blagues et raccroche. Elle a en effet un copain de fac très farceur, et porté sur les plaisanteries téléphoniques. Quelques minutes plus tard, nouvelle sonnerie:

-Pourquoi ne montes -tu pas voir les enfants?



Une nouvelle fois, l'étudiante répond que ce n'est pas drôle et raccroche. Un rien plus tard, nouvelle sonnerie:

-Je veux que tu montes voir les enfants!

-J'y suis allée, dit -elle pour avoir la paix.

-Tu mens!



Là, la jeune femme raccroche,et  s'inquiète. Même le plus plaisantin de ses camarades n'insisterait plus, à ce stade, et aurait déjà admis que c'est une blague. A bien y réfléchir, elle ne reconnait pas cette voix, ses amis ne savaient pas où elle travaille ce soir, et en plus, pourquoi le numéro est masqué? Comment l'interlocuteur sait-il qu'elle n'est pas montée, il la voit? Un coup d’œil à la fenêtre révèle une rue pourtant vide: personne dehors, assis dans une voiture garée, ou à une fenêtre.



La baby-sitter appelle la police. La standardiste, embarrassée, ne voit pas trop que faire, sauf prévenir une patrouille qui est actuellement dans le quartier: ils vont passer, pour vérifier qu'il n 'y a personne de suspect dans les parages. Elle conseille aussi à l'étudiante, en cas de nouvel appel, de faire durer ce dernier aussi longtemps que possible: ça laissera le temps à la standardiste de tracer son origine.



Il n'y a pas longtemps  à attendre: nouvel appel à numéro masqué.

-Pourquoi ne montes -tu pas voir les enfants?

Suivant le conseil de la police, la baby-sitter engage la conversation. Qui êtes- vous? Que voulez-vous? Pourquoi est-ce que je dois monter? Pourquoi ne me laissez-vous pas tranquille?



L'interlocuteur ne répond à aucune question, et répond inlassablement qu'il veut que la jeune fille monte voir les enfants, sur un ton de plus en plus énervé. L'étudiante effrayée raccroche après quelques minutes. Quelques secondes plus tard, ça sonne de nouveau, mais cette fois le téléphone affiche le numéro de la police.

Elle décroche et entend la standardiste affolée lui dire de sortir, et se réfugier au plus vite dans le voisinage. L'appel a été tracé: il émane d'un portable qui est dans la même maison, sans doute à l'étage!


L'étudiante se dirige vers la porte en tâchant d'avoir l'air naturel, puis se rue dehors, jusqu' à une maison en face; où vit un couple qui connait la famille qui a engagé la jeune fille . Elle sonne à la porte, raconte son histoire, ils la croient, puis la font entrer dans le salon.



Ensemble, ils attendent un moment, jusqu'à l'arrivée de la voiture de police. Elle se gare devant la maison en face, deux agents sortent, puis pénètrent à l’intérieur. Un quart d'heure après, les policiers ressortent, avec un homme menotté.



Ce dernier se révélera être un fou dangereux, qui avait pénétré au second étage de la maison, et avait égorgé les deux enfants gratuitement, avant même l'arrivée de la baby-sitter.


Pour elle, pas de mort dans son sommeil: sadique, le tueur voulait la voir s'affoler à la vue des cadavres, avant de l’assassiner. Il n'avait pas prévu qu'elle resterait au salon et s'était impatienté, décidant de l’appeler avec son portable.



Rassurez-vous: rien de vrai là -dedans! En raison de cette faille logique: comment l'assassin savait-il le numéro de fixe de la maison où il était-à moins d'être un proche? A propos, cette histoire de fou qui rentre et tue au hasard est répandue dans les légendes, mais est en réalité rare. Il existe plusieurs occurrences, celle de l'appel au portable étant la plus récente.




Avant les années 1990, c'est une ligne secondaire qui était utilisée. A l'époque, pour que deux membres d'une même famille puissent passer des appels en même temps, certains se faisaient poser une deuxième ligne chez eux, et avaient ainsi deux (ou plus) numéros. Il fallait toutefois être riche pour se le permettre, et les versions les plus anciennes de la légende précisent que la famille à qui appartient la maison où se déroule le drame est aisée.



Quelque soit le moyen technologique employé, l'impact des "appels de l'intérieur" est compréhensible: c'est effrayant de se sentir observé, puis de réaliser qu'on réchappé à un danger sous le même toit que soi.



Légende 02: La statue de clown




Cette légende débute un peu comme la première, avec des parents qui s’apprêtent à partir, et ont déjà couché leur enfant. La baby-sitter arrive, et le couple démarre. Sur le chemin, ils réalisent avoir oublié de programmer l'enregistrement d'un match à la télé. Ils appellent la baby-sitter pour lui demander de s' en charger. Puis lui demandent si tout va bien.



-Oui, sauf que j'ai dû couvrir la statue de clown de votre salon avec une nappe. Elle est très laide et me fait peur, je ne me vois pas regarder la télé à côté de ce machin.

La mère demande à la jeune fille de se lever sans courir, de sortir de la pièce du côté opposé à la "statue" , de partir de la maison, puis de foncer droit chez des amis à eux, qui habitent au bout de la rue-ce que la baby-sitter  fait.



En effet, ce couple est lui aussi coulrophobe: ils n'ont pas, et n'ont jamais eu, de statue de clown!


Les parents préviennent la police dans la foulée, et retournent chez eux. Ils arrivent juste après la maréchaussée, et voient des agents emmener, menotté, un homme déguisé en clown.



Encore un tueur fou...qui heureusement ne s'intéressait pas aux enfants- cette fois, la fille du couple n'a rien. Son objectif était d'effrayer la baby-sitter  en "reprenant vie" brusquement au cours de la soirée. Il était entré par effraction, s'était caché dans un placard, puis avait attendu le départ des parents pour se glisser dans le salon et prendre la pose, avant que la baby-sitter n'entre.



Il est aisé de deviner que cette légende s'inspire de la précédente, mais sans les coups de fil et en jouant cette fois sur la peur supplémentaire du clown. Toujours très puissante depuis l'affaire Gacy et le film Ça, voyez mon article sur le sujet.

Légende 03: La cuvette des toilettes




Jusqu'ici j'ai évoqué des légendes effrayantes, pour ne pas dire sanglantes, dans certains cas. Celle-ci est très particulière, car cocasse. Elle ressemble beaucoup à une histoire drôle et peut être racontée comme telle.



Vous connaissez le début de l’histoire, un couple va aller à une soirée, mais là, pendant la journée, le père s'est attelé à une tâche bien particulière: passer une nouvelle couche de vernis sur la lunette en bois des toilettes du rez -de chaussée.



Il prévient sa femme et ses trois enfants de ne surtout pas les utiliser tant que ce n'est pas sec, et d'aller aux commodités de l'étage en attendant.

La nuit tombe, on couche les trois enfants, la baby-sitter arrive et les parents partent. Au milieu de la soirée, ils appellent pour s'assurer que tout va bien. Sauf que, qu'ils appellent le fixe, ou le portable de la jeune fille, personne ne décroche. Au bout du dixième appel non pris, le couple inquiet s'excuse auprès de leurs amis,  et ils retournent chez eux.



Une fois entrés dans la maison, ils entendant des appels au secours dans la direction des toilettes du rez-de-chaussée.

Le père devient blême, et dit à sa femme:

-Je crois bien que j'ai oublié de dire à la baby-sitter qu'il ne fallait aller qu'aux cabinets de l'étage...elle a dû aller à ceux du bas et rester collée au vernis. Les enfants n'ont pas pu la prévenir puisqu'ils étaient couchés, et comme ils dorment, ils ne l'ont pas entendue appeler, ou entendu le téléphone.



Ils courent au WC, ouvrent la porte, et en effet, ça faisait près d'une heure que la pauvre fille avait le derrière collé à la lunette.



Rien ne prouve que ça soit arrivé, même s'il est exact que le vernis à bois colle très fort tant qu'il n'est pas sec, et que ça prend du temps. Donc des incidents ont dû se produire. Par contre, laisser une chaussure sur un parquet, c'est moins spectaculaire que de se coller à une lunette. Surtout que dans ces cas-là, le seul moyen, c'est que les pompiers cassent la cuvette...



Légende 04: la dinde au four




La légende, plutôt connue, où le baby-sitting devient dangereux pour l'enfant. Elle a été racontée sous la forme que vous allez lire dans les années 1980, à l'époque de la "guerre contre la drogue"décidée par Ronald Reagan.



 Après les années 1970 et la consommation bien tranquille de haschisch ou de LSD par les hippies, les conséquences désastreuses pour la santé referont surface la décennie d'après.



Ce n'est pas tout: les années 1980 sont celles de la working girl, où les femmes qui travaillent devenaient plus nombreuses que celles au foyer.




Les conservateurs tenteront de les culpabiliser de faire élever leurs enfants "par les autres" (baby-sitters ou crèches). Pour plus d'impact, toute légende jouant sur la peur d'inconnus qui s'occuperont mal des enfants était bienvenue.

Voici l'histoire: Dans les années 1970, un couple part en soirée après avoir confié son bébé à une lycéenne. C'est une hippie, certes, mais plutôt bien élevée: elle a demandé l'autorisation à faire venir son petit ami, au lieu de le faire en douce comme beaucoup de baby-sitters.


 Les parents acceptent (années 70, amour libre, tout ça) et s'en vont. Ensuite, le grand classique: en milieu de soirée, ils appellent pour s'assurer que tout se passe bien.



-Oui, répond la lycéenne, j'ai même pensé à mettre la dinde au four.

Sauf que...vous avez déjà compris, ce couple n'a pas de dinde au frigo.

 Que se passe-t-il ? Ils rentrent chez eux séance tenante. Une fois sur place, ils trouvent au salon la baby-sitter et son copain, qui planent complètement sous l'effet de stupéfiants.



Puis ils vont à la cuisine et là, il y a deux chutes à l'histoire.



Dans l'une, les parents trouvent leur bébé endormi dans un grand plat glissé au four, heureusement éteint. La baby sitter planait peut- être au point de confondre le nourrisson  avec une dinde, mais elle n' a pas pensé à allumer.


Toutefois, pour vraiment effrayer l'auditoire et le dissuader à la fois de la drogue et des gardes d'enfants, il y a une deuxième chute où le four est allumé- en raison peut-être d'une contamination avec l'histoire du chien au micro-ondes. Dans le premier cas cela dit, rien qu'imaginer ce qui aurait pu arriver peut inciter au sevrage...

Cette histoire est fausse, bien sûr! Car elle existait dans  une version plus ancienne. Dans les années 1920, on la racontait déjà. La baby-sitter était cette fois-ci la bonne du couple (c'était plus  courant à l'époque), et non pas droguée, mais folle.



Voire juste perverse: une autre lecture voulait y voir une lutte des classes, la bonne aurait voulu se venger de patrons qui la maltraitaient. Juste après la révolution russe de 1917, ça faisait bien les affaires de certains.



Mais justement: la légende a été réadaptée dans les années 1970, selon les préoccupations de l'époque-d'où l'introduction de la drogue dans cette version.








Bon, je vous laisse, j'ai des enfants à garder.


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